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Les donations mobilières, un abus fiscal ?

Pour éviter le paiement de droits de donation sur des libéralités portant sur des biens mobiliers, de nombreux contribuables recourent notamment, dans le cadre d’une planification successorale, à deux méthodes : la donation manuelle et la donation authentique passée devant un notaire étranger (la Suisse ou les Pays-Bas). Ces donations réalisées au-delà d’un délai de 3 ans (ou 7 ans pour certaines donations en Flandre), à dater du décès du donateur, échappent également aux droits de succession.

De nombreux contribuables soumettent en outre, volontairement, leurs donations mobilières à la formalité de l’enregistrement pour bénéficier du taux favorable des droits de donations mobilières et éviter ainsi le paiement de droits de succession.

Depuis son introduction, la nouvelle disposition anti-abus fiscal de l’article 18 du CDE suscite de nombreuses questions tant sa portée exacte est incertaine et semble être délibérément maintenue comme telle. Les discussions et déclarations publiées dans la presse ces derniers jours relatives aux donations manuelles et enregistrées, en témoignent.

Ainsi, s’il est admis que le don manuel ne constitue pas en soi un abus de droit, l’on a également pu lire que la donation non enregistrée pourrait constituer un délit ou de la fraude fiscale, que certaines opérations impliquant des donations (enregistrées ou non) seront susceptibles de l’être et que la disposition anti-abus pourra s’appliquer dans de nombreuses hypothèses. Pour entretenir encore davantage l’incertitude, l’administration fiscale a également affirmé qu’elle décidera de l’application de cette disposition « au cas pas cas » puisque que ce ne serait « pas la construction mais la motivation du contribuable qui sera déterminante de l’abus ».

Qu’en est-il vraiment ? L’abus fiscal suppose un élément objectif indispensable: la violation des objectifs certainement définis d’une disposition précise du Code des droits d’enregistrement ou de succession (et non du code dans sa globalité ou de la loi fiscale en générale). L’objectif est un but que l’on cherche à atteindre et non une philosophie ou une économie. Selon une certaine doctrine, cet objectif du législateur (qui n’est pas, faut-il le préciser, celui de l’administration fiscale ou celui d’un membre du gouvernement) doit être propre à une disposition particulière et ne peut pas être uniquement de « taxer ».

La motivation du contribuable n’est donc pas seule déterminante de l’abus. Il ne suffit pas à l’administration fiscale de présumer (et donc de démontrer) que le seul but recherché par les contribuables, en réalisant par exemple une donation manuelle ou enregistrée à un taux favorable, est d’éviter ou de réduire les droits d’enregistrement ou de succession.

Pour qu’une donation mobilière (peu importe sa forme, son objet ou sa cause) constitue un abus fiscal, il appartient en réalité à l’administration fiscale de démontrer que par cet acte, le contribuable s’est placé en dehors du champ d’application d’une disposition en violation des objectifs de cette disposition, ou a prétendu à un avantage fiscal prévu par une disposition dont l’octroi serait contraire aux objectifs de cette disposition.

Dans une circulaire administrative, l’administration fiscale précise à ce sujet que lorsqu’un texte est clair, « les objectifs d’une disposition sont clairs et contenus dans la disposition elle-même ». Or, le législateur fiscal a déjà très clairement réglementé la question des donations (dons manuels, donation devant notaire belge ou étranger, ..) tant pour ce qui concerne les droits d’enregistrement que les droits de succession.

Ainsi, les donations non enregistrées sont autorisées et aucune disposition légale belge ne prévoit de manière générale la taxation des libéralités mobilières aux droits de donation. En vertu de l’article 19, 1° du Code des droits d’enregistrement, seuls les « actes des notaires » sont obligatoirement soumis à la formalité de l’enregistrement. Ils le sont à raison de leur forme « notariée » et non de leur contenu. Il s’agit d’un texte clair qui n’a pas pour objet d’imposer des actes autres que ceux qu’il énumère, parmi lesquels les actes notariés, mais non toutes les donations. L’intention du législateur n’a donc jamais été d’assujettir aux droits d’enregistrement toutes les libéralités, en ce compris les actes notariés passés à l’étranger et les dons manuels.

La volonté du législateur est également très claire en ce qui concerne les donations mobilières, enregistrées ou non, et leur assujettissement aux droits de succession. Le législateur a en effet expressément prévu, dans l’article 7 du Code des droits de succession, que seule la libéralité qui n’a pas été assujettie aux droits d’enregistrement établis pour les donations et réalisés dans les trois ans précédant le décès du donateur (ou parfois 7 ans pour la région flamande), est ajoutée à la base imposable aux droits de succession.

Les autres y échappent de par la volonté du législateur lui-même sans qu’il faille distinguer si l’enregistrement intervenu l’a été en début ou en fin de délai, le cas échéant in extremis. Le contraire reviendrait à introduire une distinction non prévue par le législateur lui-même.

Dans ces hypothèses, l’administration fiscale ne pourrait donc en principe considérer qu’il y a abus fiscal, et ce même si la donation ou l’enregistrement de cette donation était réalisée dans un seul but fiscal. A supposer cet élément établi, le fisc ne pourrait en effet que démontrer l’existence de l’élément intentionnel de l’abus fiscal et resterait en défaut de démontrer l’élément objectif requis par la loi.

Auteur : Marie Bentley

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