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Abus fiscal : les points positifs de la circulaire ministérielle

La nouvelle disposition fiscale introduite dans notre Code par la loi du 29 mars 2012, qui fait naître dans notre droit une disposition générale traitant de l’ « abus fiscal », va assurément modifier le comportement des fonctionnaires contrôleurs à l’égard des contribuables qui ont accompli des actes licites et sincères, mais dans un but fiscal, que ce but soit le motif principal de l’opération, ou seulement l’accessoire d’un but commercial, patrimonial, successoral ou autre.

La loi définit à présent certaines circonstances dans lesquelles l’administration peut chercher à démontrer que le contribuable a réalisé une opération « abusive ».

Le SPF Finances a déjà publié une circulaire explicative de l’article 344 § 1er nouveau, qui présente la nouvelle norme, non pas comme un « couteau suisse », mais plutôt comme un bistouri destiné à être efficace dans certains cas bien déterminés.

La circulaire ne s’écarte que très peu du texte légal et des travaux préparatoires, sans prendre de libertés par rapport au texte. Elle rappelle l’une des exigences fondamentales de la loi, à savoir que l’article 344 § 1er reste un moyen de preuve, et que la charge de la preuve de l’existence d’un abus fiscal repose toujours sur l’administration - sachant que le contribuable peut fournir la preuve contraire, à savoir celle que d’autres considérations que l’évitement des impôts justifient la forme juridique qu’il a choisie.

La circulaire cible le choix d’une « forme juridique ».

Pour tenter d’expliciter le concept d’abus fiscal visé par l’article 344 § 1er du Code, la circulaire fait appel à la notion de « choix d’une forme juridique ». Ces termes explicatifs paraissent assez bien choisis ; ils mettent l’accent sur l’intention subjective du contribuable (le « choix »), et sur la réalité juridique de l’opération (la « forme juridique »).

La circulaire explicite les deux branches de l’alternative de l’abus fiscal de cette manière :

  • soit, par le choix de la forme, le contribuable se place en dehors du champ d’application d’une disposition visant à augmenter l’impôt : il fait le choix d’une certaine forme juridique pour se placer dans une situation qui ne répond pas aux conditions légales à remplir pour être imposable, mais qui est très proche de la situation imposable, alors que ce choix n’est dicté que par le souci de réaliser une économie d’impôt ;
  • soit, par le choix de la forme, le contribuable se place dans le cadre d’une disposition visant à réduire l’impôt : il fait le choix d’une forme juridique qui vise à se soumettre à une norme prévoyant un avantage fiscal, alors que ce choix n’est dicté que par le souci de réaliser une économie d’impôt.
Il faut donc avant toute chose que l’administration soit en mesure de démontrer l’existence d’une règle fiscale dont le but spécifique est d’augmenter ou réduire l’impôt « standard ».

L’abus n’implique jamais fraude

La circulaire est très claire sur un autre point : le fait, pour l’administration, d’appliquer le nouvel article 344 § 1er du Code, ne pourra avoir pour effet de lui permettre de considérer que le contribuable a commis une fraude fiscale. Ne sont donc visés que les actes posés sans simulation et sans fraude, c’est-à-dire de bonne foi (la volonté d’éviter – légalement - l’impôt ne pouvant, comme chacun sait, être considérée comme de la fraude fiscale).

La disposition anti « abus fiscal » ne peut être appliquée qu’en cas de doute sur l’application d’une norme fiscale, et en « dernier recours »

La circulaire précise encore clairement que la disposition générale anti-abus ne peut être appliquée que lorsque la méthode d’interprétation ordinaire, les dispositions techniques du Code, les dispositions spéciales anti-évitement d’impôt et la théorie de la simulation ne sont d’aucun secours. L’administration ne peut donc appliquer l’article 344 § 1er que lorsque les autres moyens spécifiques n’auront pu l’aider suffisamment, et qu’elle considère se trouver dans les conditions requises pour recourir à cette disposition générale.

Il est possible de demander un ruling en ce qui concerne la présence ou l’absence de motifs « fiscalement valables », pour la justification d’une opération d’optimisation fiscale.

Il appartient désormais au contribuable de prouver que le choix de l’opération se justifie par d’ « autres motifs que la volonté d’éviter » - selon le cas, les impôts sur les revenus, les droits d’enregistrement ou les droits de succession.

Ceci revient à dire que tout autre motif est admissible, et que les motifs ne sont plus cantonnés à la sphère économique ou financière. A priori, des motifs d’ordre patrimonial, matrimonial, familial, voire privé, sont donc également admissibles.

En résumé, il s’agit donc d’une circulaire assez bien équilibrée, qui devrait tempérer les velléités des fonctionnaires contrôleurs qui chercheraient à « coincer » tous azimuts le contribuable qui aurait eu la mauvaise idée d’améliorer un tant soit peu son quotidien fiscal. Elle énonce en effet différents garde-fous qui devraient normalement modérer les ardeurs administratives des premiers jours, et en tout cas permettre de rabattre les rectifications les plus … abusives de l’administration.

Auteur : Severine Segier

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