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Liquidateurs : vous n’êtes pas responsables des dettes fiscales de la société en liquidation !

Dans son souci de renflouer les caisses de l’Etat, l’administration fiscale utilise parfois des moyens qui flirtent avec l’ambivalence, si ce n’est avec la mauvaise foi.

On constate depuis quelques semaines une nette recrudescence des courriers adressés par les recettes, ISOC ou TVA, aux liquidateurs ou anciens liquidateurs de sociétés débitrices d’impôts.

Deux situations différentes peuvent se présenter : soit la société avait des dettes fiscales, mais sa liquidation a été clôturée par absence d’actifs, les dettes fiscales restant impayées au jour de la publication de la clôture de la liquidation au Moniteur belge ; soit la société est en cours de liquidation, a des dettes fiscales, et ces dettes fiscales sont impayées

Dans le premier cas, la loi limite la durée de la survie passive de la société liquidée, après la clôture de sa liquidation, à 5 ans. Pendant 5 ans, les créanciers pourront donc « rouvrir » le dossier de la liquidation, et réclamer leur dû. Ceci signifie, par conséquent, qu’après 5 ans à dater de la publication de la clôture de la liquidation, la société liquidée ne peut plus être inquiétée par un quelconque créancier.

L’administration fiscale, créancière d’une dette impayée, n’a alors d’autre choix que de se retourner vers le liquidateur. Cependant, la nomination du liquidateur n’emporte pas la responsabilité personnelle de celui-ci pour les dettes, fiscales ou autres, de la société qu’il liquide dans le cadre de ce mandat.

Bien entendu, en tant que mandataire, le liquidateur est responsable des actes qu’il pose dans le cadre de sa gestion et dès lors, sa responsabilité civile peut être engagée par l’Etat belge, si celui-ci est en mesure de démontrer l’existence des trois éléments constitutifs de la responsabilité, à savoir la faute, le dommage et le lien causal.

Si l’administration fiscale souhaite agir en responsabilité civile du liquidateur, elle doit le faire dans un délai de 5 ans à dater de la publication de la clôture de liquidation ; après cela, l’action en responsabilité du liquidateur est prescrite, de même que la survie passive de la société elle-même.

Agir en responsabilité à l’encontre d’un liquidateur n’est toutefois pas nécessairement chose aisée pour l’Etat belge.

En effet, si le dommage de l’Etat belge paraît évident (l’existence d’un impôt non payé), il est très souvent douteux que l’Etat belge soit en mesure de démontrer l’existence d’une faute dans le chef du liquidateur.

En effet, le liquidateur est un mandataire qui intervient à la fin de la vie de la société, et qui ne peut souvent que constater l’absence d’actif social. Dans ce cas, le liquidateur ne commet bien évidemment aucune faute en n’acquittant pas, au nom de la société en liquidation, la dette vis-à-vis de l’Etat belge, puisque en tout état de cause, la société est dans l’incapacité d’honorer celle-ci.

Tout aussi difficile est l’établissement du lien causal entre une éventuelle faute du liquidateur et le dommage de l’Etat belge.

Sont souvent invoqués comme des fautes du liquidateur, le non-dépôt des comptes annuels, voir même la décision de clôturer la liquidation sans que toutes les dettes, notamment fiscales, soient apurées, ou encore l’absence d’aveu de faillite de la société en liquidation, si elle en réunit les conditions.

Or, l’Etat belge doit être en mesure de démontrer en quoi le liquidateur, s’il n’avait adopté le comportement reproché, aurait pu permettre à l’Etat belge de recouvrer une plus grande partie de sa créance.

En dehors de certains cas de fraude, ou de non-respect des droits des différents créanciers, cette preuve sera difficile à apporter.

Malgré l’existence de ces différents principes, l’Etat belge n’hésite manifestement pas, ces dernières semaines, à adresser à des liquidateurs ou anciens liquidateurs de société, des lettres comminatoires leur indiquant, d’une manière qui peut à tout le moins prêter à confusion, qu’ils sont personnellement responsables du paiement des dettes fiscales de la société liquidée ou en liquidation.

Les courriers sont adressés à l’adresse personnelle des liquidateurs, même si le siège social se trouve à une autre adresse ; le courrier indique que la dette fiscale doit être payée sur le compte bancaire de la recette immédiatement et de manière obligatoire, et cette obligation paraît, du moins suivant la syntaxe de la phrase, viser le liquidateur à titre personnel.

Dans certains courriers, il est même mentionné que le fait de ne pas s’acquitter d’une dette fiscale au cours de la procédure de liquidation de la société, constitue en soi une faute, et que l’administration est dès lors en tout état de cause autorisée à réclamer la dette personnellement au liquidateur !

Cette affirmation, alors même que l’Etat belge doit bien être conscient du fait qu’il ne dispose d’aucun titre exécutoire à l’encontre du liquidateur, frôle l’abus de pouvoir…

Une telle formulation ne pourra manquer d’impressionner certains liquidateurs ou anciens liquidateurs qui préfèreront peut-être s’acquitter personnellement de la dette, surtout si le montant est peu important, plutôt que de vivre avec la (fausse) idée qu’un huissier pourrait à tout moment se présenter à leur porte, pour exécuter à leur encontre la dette vantée par l’Etat.

En tout état de cause, ce type de pratique, comminatoire et à la limite de l’abus d’influence, doit être dénoncé. Le renflouement des caisses de l’Etat ne justifie pas, dans le chef de l’administration fiscale censée inspirer la confiance aux contribuables, que celle-ci se serve de la puissance publique pour impressionner des personnes qui ne sont pas, et qui ne seront peut-être jamais, ses débiteurs, dans le but qu’ils s’acquittent de la dette d’autrui.

Auteur : Severine Segier

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