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Imposabilité de certains intérêts de retard

Il est acquis qu'en matière fiscale, certains intérêts au sens du droit civil ne sont pas imposables au titre de revenus mobiliers.

Si l'article 19, §1er, 1° du CIR 1992 prévoit en effet l'imposabilité, au titre de revenus mobiliers, des revenus d'emprunts ou de créances non représentées par des titres, il faut néanmoins considérer que l'énumération qu'il contient n'a pas de caractère exhaustif et n'implique pas que tout ce qui est considéré comme un « intérêt » au sens du droit civil est taxable comme tel en droit fiscal.

Il est à cet égard de jurisprudence constante que les intérêts judiciaires, compensant le dommage résultant du retard apporté à payer la somme demandée, ne sont pas imposables au titre de revenus mobiliers.

En ce qui concerne les intérêts de retard contractuels, dus, notamment, en raison du retard dans le paiement des factures, l’administration considère, depuis longtemps, que les intérêts de retard payés par une partie à un contrat à l’autre partie sont taxables au titre de revenus mobiliers lorsque ces parties ont convenu, par un accord exprès, et sans intervention judiciaire, que des intérêts seront payés sur la somme due.

Cette interprétation est toutefois, à notre sens, inexacte.

L’on peut difficilement contester que des intérêts de nature conventionnelle, payés en vertu d’un accord conclu après le non-paiement de la somme due à l’échéance constituent des revenus mobiliers taxables.

Tout autre est toutefois la situation lorsqu’une des parties verse des intérêts à l’autre partie, en compensation du préjudice causé par sa faute contractuelle, consistant dans le paiement tardif de la somme due.

Il est évident qu’en une telle hypothèse, il ne s’agit aucunement de revenus mobiliers.

La Cour d’appel de Gand, par un arrêt du 24 avril 2007, a été amenée à prendre position quant à l’imposabilité d’intérêts versés au titre d’indemnités du fait d’une mauvaise exécution d’un contrat.

En l’espèce litigieuse, une partie avait été amenée à attribuer des dommages et intérêts à une autre partie, parce que cette autre partie s’était vue fournir moins de blé (c’était l’objet du contrat) que ce qui avait été facturé.

La partie lésée avait également obtenu des intérêts versés au titre d’indemnités sur ce montant.

L’administration fiscale avait ensuite entendu taxer les intérêts versés à titre d’indemnités parce que, selon elle, pour l’application des lois fiscales, ces intérêts ont la même nature que l’indemnité principale à laquelle ils se rapportent.

L’administration fiscale n’entendait cependant pas imposer lesdits intérêts au titre de revenus mobiliers, mais bien au titre de revenus professionnels !

La Cour d’appel de Gand n’a toutefois pas suivi cette position, à juste titre selon nous, puisqu’elle a estimé que les intérêts versés à titre d’indemnité faisaient partie intégrante de l’indemnité attribuée pour la réparation du dommage causé par la faute contractuelle.

La Cour a précisé que ces intérêts indemnisent le dommage supplémentaire résultant du délai de paiement de l’indemnité à laquelle le préjudicié a droit le jour où le dommage a été causé.

Cette appréciation ne peut conduire qu’à contester toute imposabilité des intérêts versés à titre d’indemnités, ces intérêts constituant une indemnisation pour le retard dans l’octroi d’une indemnité pour un préjudice subi, non taxable.

Cet arrêt, rendu par la Cour d’appel de Gand, était relatif à une espèce dans laquelle les intérêts versés à titre d’indemnités avaient été décidés par une décision judiciaire, rendue, par la même Cour d’appel de Gand, statuant toutefois en matière correctionnelle, ayant fait droit à une demande du contribuable lésé, agissant alors en qualité de partie civile.

Il ne fait pas de doute toutefois que l’enseignement de cet arrêt pourra être invoqué à l’encontre de l’administration fiscale, dans tous les cas où celle-ci entendra imposer des intérêts compensatoires du préjudice causé par une faute contractuelle qui consiste en un paiement tardif.

Auteur : Melanie Daube

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