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Le contribuable doit-il payer les erreurs de l'administration par la perte d'une voie de recours ?

Une procédure relativement peu connue du grand public est la contestation d'un impôt par la voie d'une demande de dégrèvement d'office.

La demande de dégrèvement d'office n'est pas une réclamation; son objet est beaucoup plus limité puisqu'elle ne permet au contribuable que de faire rectifier les erreurs matérielles (une erreur de fait, qui résulte d'une méprise sur l'existence d'éléments matériels, en l'absence desquels l'imposition manque de base légale), ou les doubles emplois (une double imposition, c'est-à-dire le fait que le même revenu a fait l'objet de plusieurs impositions dont l'une exclut légalement l'autre).

Elle permet également de faire revoir la taxation, si la révision a pour origine la production tardive, mais pour de justes motifs, d'éléments nouveaux probants (par exemple, l'annulation d'une rectification TVA, qui avait fondé une rectification en matière d'impôts sur les revenus).

L'intérêt de la demande de dégrèvement d'office réside dans le fait que le délai dans lequel elle peut être introduite par le contribuable est plus long que celui d'une réclamation ordinaire : il est de trois ans, à partir du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'impôt a été établi.

Si la décision prise par le directeur régional sur la demande de dégrèvement d'office ne satisfait pas le contribuable, il peut, comme pour une décision directoriale ordinaire, soumettre la contestation au tribunal de première instance compétent.

Mais cette procédure de dégrèvement d'office peut également être utilisée d'initiative par l'administration, en cas d'erreur dans le traitement des données de la déclaration fiscale, d'erreur de calcul, ou de toute autre illégalité de la cotisation qui serait constatée par l'administration fiscale elle-même. La loi fiscale étant d'ordre public, l'administration a en effet l'obligation, si elle constate une telle erreur, de la rectifier d'elle-même, afin que l'imposition soit conforme à la loi.

Le plus souvent, ce type de rectification se fait pour plusieurs contribuables se trouvant dans la même situation, l’erreur de traitement se reproduisant dans tous les dossiers d’un même type traités pendant une certaine période.

Dans ce cas, la loi impose au directeur régional de procéder par la voie de l’inscription, au nom du contribuable intéressé, du montant dégrevé, dans un rôle rendu exécutoire. En d’autres termes, c’est un nouvel avertissement-extrait de rôle qui est adressé au contribuable par le directeur.

Si le contribuable n’est pas d’accord avec l’imposition ainsi rectifiée, il doit porter le litige devant le tribunal de première instance compétent, sans pouvoir introduire de réclamation.

Cette considération s’appuie sur le texte légal : la loi impose, à cet égard, la voie du recours judiciaire contre toute décision directoriale, et vise de manière expresse, à cet endroit, les décisions de dégrèvement d’office prises de manière spontanée par l’administration.

Le contribuable qui a fait l’objet d’une décision de dégrèvement d’office prise d’initiative par l’administration peut alors se trouver dans une situation paradoxale.

Ce contribuable, qui n’a rien demandé à personne, reçoit une décision, certes modificative, et en sa faveur, mais qu’il souhaitera peut-être contester – par exemple, parce qu’à son estime, l’administration a commis, dans la rectification, une autre erreur.

Le contribuable concerné n’aura alors d’autre choix que de porter l’affaire devant le tribunal de première instance, sans plus avoir la possibilité d’introduire , dans les délais prévus à cet effet, une réclamation ou une demande de dégrèvement d’office ordinaires.

Quoique la procédure administrative n’ait plus, à l’heure actuelle, un caractère juridictionnel, et qu’il s’agisse d’un simple recours administratif (demande de reconsidération de la taxation), le contribuable aura alors souvent le sentiment de perdre l’exercice d’une véritable voie de recours contre la taxation enrôlée dans son chef. Or, de multiples raisons peuvent motiver un contribuable à renoncer à exercer un recours en justice : les frais, la durée de la procédure, les soucis que cela peut causer, voire, pour certains contribuables, le caractère impressionnant de la procédure judiciaire. Les nouvelles indemnités de procédure, couvrant de manière forfaitaire une intervention dans les frais d’avocat de l’autre partie, dissuaderont également plus d’un contribuable hésitant quant au fondement de son action.

Toute une catégorie de contribuables se verra donc privée de cette voie de recours administratif, alors que ces contribuables n’ont posé aucun acte pouvant justifier ce traitement différent, qui peut être qualifié de discriminatoire.

Fort heureusement, cette suppression d’une voie de recours contre la taxation paraît limitée aux éléments visés par l’erreur rectifiée d’initiative par l’administration : le contribuable, qui a fait l’objet d’un dégrèvement d’office pris d’initiative par l’administration, peut encore introduire un recours contre la taxation enrôlée dans son chef, pour des motifs autres que ceux visés par le dégrèvement d’office et la procédure de réclamation ordinaire est également encore possible, pour les autres éléments de la taxation que ceux visés par le dégrèvement d’office.

Il reste que ce traitement discriminatoire a manifestement pour seule origine une inattention du législateur, qui a compris dans l’article du Code relatif à l’exercice des voies de recours devant le tribunal de première instance, toutes les décisions directoriales, y compris celles par lesquelles l’administration opère d’initiative le dégrèvement d’impôt, alors que la logique ne justifie pas que ce type de décision directoriale soit également compris dans la disposition en cause.

Il est donc regrettable que suite à une inattention du législateur, toute une catégorie de contribuables n’aient pas accès au recours administratif normalement prévu par la loi, en raison du simple fait que l’administration a remarqué qu’elle a commis une erreur dans la procédure de taxation, et l’a corrigée d’office.

Auteur : Severine Segier

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