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Double imposition des dividendes de source française – suite (et fin ?)

Dans un précédent IDEFISC, nous faisions état de la demande officielle adressée par la Commission de l’Union européenne à la Belgique, lui enjoignant de mettre un terme à l’imposition discriminatoire des dividendes payés par des entreprises étrangères (dividendes entrants) à des investisseurs privés belges, le régime fiscal mis en place par la Belgique impliquant une double imposition des dividendes sortants, mais pas des dividendes nationaux.

Par une décision récente du 14 novembre 2006, la Cour de Justice des Communautés européennes a prononcé un arrêt dans une affaire impliquant le sujet visé par la demande officielle précitée.

Les faits soumis à la Cour de Justice des Communautés européennes étaient, de manière synthétique, les suivants : deux époux, résidents fiscaux belges, étaient opposés à l’administration fiscale suite au refus par cette dernière de leur accorder le bénéfice de l’imputation de la Quotité Forfaitaire d’Impôt Etranger de 15 % pourtant prévue par la Convention préventive de double imposition signée entre la Belgique et la France.

En effet, si le Code belge des impôts sur les revenus prévoit que, sauf exception, les dividendes sont imposables au taux de 25 %, le même Code prévoyait, antérieurement, qu’en ce qui concerne les revenus d’actions ou parts et de capitaux investis qui avaient été soumis à l’étranger à un impôt sur le revenu, à un impôt des sociétés ou à l’impôt des non-résidents, l’impôt belge était préalablement diminué d’une quotité forfaitaire de cet impôt, acquitté à l’étranger.

Suite à diverses modifications de la législation interne belge, les personnes physiques ne peuvent plus, aujourd’hui, prétendre au bénéfice de cet « avoir fiscal » lorsqu’elles recueillent des dividendes d’entreprises établies dans un autre Etat même si ces dividendes proviennent de revenus ayant d’ores et déjà été imposés dans cet autre Etat, au titre de l’impôt sur les revenus entraînant ainsi une double imposition de ces revenus contraire à la Convention préventive de double imposition signée entre la Belgique et la France.

Considérant que le refus de l’octroi du bénéfice de l’imputation d’une Quotité Forfaitaire d’Impôt Etranger avait pour effet de soumettre les dividendes d’origine française perçus par des contribuables belges à une pression fiscale plus lourde que celle exercée sur des dividendes de sociétés établies en Belgique, versés au profit des mêmes contribuables belges, les époux concernés avaient saisi le Tribunal de première instance de Gand afin de faire annuler la décision de l’administration fiscale belge rejetant leur demande. Celui-ci a interrogé la Cour de Justice.

Avant toute chose, la Cour de Justice a précisé à cette occasion que les Etats membres devaient exercer leurs prérogatives fiscales dans le respect du droit communautaire, ce qui découle d’une jurisprudence bien établie.

La Cour formule ensuite un raisonnement fondé sur le fait que la législation fiscale belge ne procèderait, de par la suppression de la Quotité Forfaitaire d’Impôt Etranger, à aucune distinction entre les dividendes de sociétés établies en Belgique et ceux de sociétés établies dans un autre Etat membre, ceux-ci étant imposés conformément à la loi belge à un taux identique de 25 %, au titre de l’impôt sur le revenu et ne retient dès lors pas l’existence d’une discrimination.

Tout en admettant qu’une discrimination puisse exister non seulement de par l’application de règles différentes à des situations comparables, mais également de par l’application de la même règle à des situations différentes, la Cour estime toutefois qu’une telle discrimination n’existe en l’espèce pas du seul fait qu’il y ait, dans l’Etat de source du dividende, prélèvement d’un impôt à la source au titre de l’impôt sur le revenu, qui s’ajoute à l’impôt visé par la législation interne nationale de la personne physique qui le perçoit.

La Cour, plutôt que de réagir à une discrimination qui s’avère en l’espèce flagrante et incontestable, entre un contribuable belge percevant un dividende de source belge, et un contribuable belge percevant un dividende de source française, se borne à constater qu’il existe, à l’intérieur de la Communauté, une possibilité de double imposition d’un même revenu, par deux Etats, en raison de l’absence d’instrument communautaire d’unification (mettant en œuvre un critère général de répartition des compétences en matière fiscale entre les Etats membres). Elle s’en remet aux Etats membres, en estimant qu’il leur appartient de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir de telles situations.

La Cour, a toutefois précisé, dans sa décision du 14 novembre 2006, qu’il appartenait aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les situations du type de celles en cause dans le litige qui lui était soumis - en utilisant, notamment, les critères de répartition suivis dans la pratique fiscale internationale.

En outre, il est permis de se demander si la réponse formulée dans l’espèce concernée aurait pu être différente si la question préjudicielle avait visé la convention préventive de double imposition franco-belge.

La voie ouverte par la Commission de l’Union européenne, par l’intermédiaire de la demande officielle adressée à l’Etat belge en date du 20 juillet 2006, est en conséquence loin d’avoir été définitivement condamnée, contrairement à ce que pourrait laisser croire une lecture rapide de l’arrêt du 14 novembre 2006 rendu par la Cour de Justice des Communautés européennes.

Auteur : Melanie Daube

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