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Plus-values sur actions : un projet dangereux

Il n’est pas un numéro d’IDEFISC où nous ne revenons, de manière lancinante, sur le dossier des plus-values internes.

Il s’agit, comme vous le savez, des plus-values réalisées par des personnes physiques sur les titres d’une société lors de l’apport ou de la vente de ces titres à un holding qu’elles contrôlent par ailleurs.

En raison d’une interprétation contestable de l’article 90, 1° CIR, l’administration autorise à taxer des plus-values réalisées à cette occasion par les contribuables. Dans certains cas malheureux, la jurisprudence a suivi, suscitant une réelle insécurité juridique.

Il n’en fallait pas moins pour que l’administration, dans le cadre du service des décisions anticipées, ne s’érige en législateur en stipulant dans quelles conditions des plus-values sur actions seraient exonérées à l’impôt des personnes physiques.

Une jurisprudence administrative et abondante s’est donc développée, tant en matière de vente qu’en matière d’apport.

Dans l’hypothèse d’une vente, les critères généralement retenus par ce service pour considérer que l’opération reste dans le cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé sont, d’une part, que la cession intervienne au profit d’une société holding contrôlée par la génération future et, d’autre part, que le paiement du prix soit étalé sur une période de cinq ans minimum.

En matière d’apport, le service des décisions anticipées a accepté assez rapidement que les plus-values réalisées à l’occasion d’apports soient exonérées d’impôts dans le chef de la personne physique, pour autant qu’une forme de moratoire soit respecté pendant trois ans.

Ce moratoire implique que la politique de distribution de dividendes de la société apportée ne soit pas modifiée à la suite de l’apport, que les tantièmes ou management fees attribués à la société holding ne soient pas supérieurs à ce qu’ils étaient préalablement à l’apport et que le capital libéré des sociétés concernées ne subisse pas de modifications.

Il n’en a pas fallu plus pour que bon nombre de conseillers trouvent là une solution adéquate face à l’insécurité juridique qui règne actuellement en matière de taxation des plus-values réalisées par des personnes physiques.

Il est infiniment plus simple de conseiller à un contribuable de suivre la doctrine du service des décisions anticipées pour éviter la taxation de la plus-value que de prendre le risque de lui donner un conseil justifié en droit, mais pouvant donner lieu à un litige à gérer sur plusieurs années.

Ceux qui se sont engouffrés dans cette brèche vont malheureusement peut-être devoir déchanter.

Les opérations d’apport ont pour effet d’augmenter à due concurrence le capital réellement libéré de la société holding et donc, par voie de conséquence, la partie de celui-ci pouvant être remboursée en exonération d’impôt. Le contribuable se conforme alors à la doctrine administrative, réalise un apport dans les conditions édictées par cette doctrine, respecte le moratoire de trois ans et, ensuite, procède à une distribution massive de réserves de la société d’exploitation vers la société holding et réduit à due concurrence le capital libéré de celle-ci en exemption d’impôt.

Or, un avant-projet de loi, visant à modifier le Code en vue de le mettre en concordance avec une directive de 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions, modifiera, s’il est voté, l’article 184 du Code qui définit la notion de capital libéré.

Dans la nouvelle définition, il est prévu que s’il y a eu un apport d’actions qui a pour effet que la société bénéficiaire de l’apport, c'est-à-dire dans notre exemple, le holding, acquiert plus de 50 % des droits de vote dans la société dont les actions sont apportées, le capital libéré à l’occasion de cet apport sera égal à la valeur d’acquisition des actions apportées dans le chef de l’apporteur. Si on ne peut pas établir celle-ci, le capital libéré est censé correspondre à la valeur du capital libéré représenté par les actions apportées.

Les conséquences sont évidemment limpides : vous réalisez un apport qui fait l’objet d’une évaluation par un réviseur d’entreprise des titres de la société d’exploitation constituée il y a quinze ans avec un capital libéré, au départ, de 10. Le réviseur d’entreprise, prenant en considération les fonds propres et les perspectives de cette société, considère que sa valeur d’apport est de 100. Vous recevez des actions en rémunération de cet apport pour 100. Vous vous imaginez pouvoir, trois ans après, procéder à une réduction de capital de la société holding de 100 en exemption d’impôt.

Si cette disposition est votée, le capital libéré au sens de cette disposition sera égal à 10, c’est-à-dire le capital libéré représenté par les actions apportées. Si vous réduisez le capital de 100, à concurrence de 90, il s’agira d’un dividende distribué, soumis à un taux de taxation de 25 %.

Ce n’est que dans l’hypothèse où la plus-value réalisée par l’apportant a été taxée au moment de l’apport que le capital réellement libéré correspond à la valeur réelle des actions apportées.

Il en résulte tout simplement que la plus-value réalisée à l’occasion de l’apport ne sera pas considérée comme du capital réellement libéré et que, plutôt que de vous voir taxé à 33 % au moment de l’apport, vous serez taxé, au moment de la réduction de capital, à 25 %.

C’est certes un mieux, à supposer toutefois que l’on considère que la taxation à 33 % soit légalement justifiée. A l’heure actuelle, il n’en est rien. Elle résulte uniquement d’une volonté de l’administration.

Cette modification est totalement injustifiable.

En outre, d’après les premiers échos, elle était censée s’appliquer aux réductions de capital opérées au cours de l’année 2006, ce qui est évidemment totalement inique dans un Etat de droits.

D’après les dernières informations en notre possession, si cette loi devait être votée, elle concernerait les opérations réalisées à partir du 20 décembre 2006.

Nouveau bel exemple d’insécurité juridique consacré par notre gouvernement.

Thème : Les plus-values

Auteur : Sophie Vanhaelst

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