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Bon père de famille et montage fiscal

La matière des plus-values réalisées par des résidents fiscaux belges sur des cessions de participations est devenue source de controverses importantes.


Il était communément admis en droit fiscal belge que les plus-values réalisées par une personne physique sur des cessions de
participations sont exonérées d’impôt, pour autant qu’elles s’inscrivent dans le cadre de la gestion normale d’un, patrimoine privé.


Le critère classiquement utilisé pour distinguer la gestion normale de la gestion anormale est le critère de la spéculation. La spéculation est définie comme l’achat avec intention de revendre, dès l’acte d’achat, en réalisant un bénéfice.
Les premières difficultés sont nées à l’occasion des cessions de sociétés de liquidités. Ces sociétés qui n’ont plus que des liquidités et un impôt latent à payer sont cédées en cours d’exercice social.


La société cédée procède à des investissements pour bénéficier, le cas échéant, d’une taxation étalée moyennant remploi, voire d’une déduction importante de charges financières réduisant à néant la base imposable.


Le marché a été saturé d’acheteurs malhonnêtes se contentant de filer avec la caisse. L’administration fiscale n’avait souvent comme seul recours, pour tenter de recouvrer un impôt, que de se retourner contre les vendeurs personnes physiques, en soutenant qu’ils n’avaient pas agi comme un bon père de famille avec, pour conséquence, une taxation au taux de 33 % de la plus-value réalisée.

Le fisc s’est ensuite attaqué aux plus-values dites internes, c’est-àdire les plus-values réalisées par des personnes physiques à l’occasion de la cession de participations au profit de sociétés holding constituées par leurs soins.

La jurisprudence est, à ce propos, pour le moins hésitante, certaines juridictions n’hésitant pas à affirmer que pareille opération s’écarterait de la gestion normale d’un patrimoine privé.On ne peut, dans ce contexte, que se réjouir de la décision rendue par le Tribunal de 1ère instance de Bruxelles, le 10 mai dernier.

Les premières difficultés sont nées à l’occasion des cessions de sociétés de liquidités. Ces sociétés qui n’ont plus que des liquidités et un impôt latent à payer sont cédées en cours d’exercice social.

Dans le cadre de ce dossier, les contribuables avaient constitué une SOPARFI luxembourgeoise.
Peu de temps après sa constitution, cette société luxembourgeoise avait acheté 95 % des actions d’une société belge en pertes, les 5 % restant étant rachetés par le couple à titre privé.


Quelques mois après la constitution de la SOPARFI, les contribuables belges cédèrent l’ensemble des actions de la société commerciale qu’ils avaient constituée en 1967 à la société en perte. Cette dernière avait contracté un crédit pour rembourser les cédants.


Elle remboursait le crédit au moyen des dividendes provenant de la société d’exploitation et bénéficiait, par ailleurs, d’une convention de prestation de services avec la société d’exploitation, permettant des remontées de bénéfices vers la société en perte, bénéfices non taxés vu l’imputation des pertes antérieures de la société prestataire.


En 1996, la société luxembourgeoise cède finalement les actions de la société en perte et de sa filiale à un repreneur néerlandais et est ensuite transformée en holding 29.
L’administration entendait taxer la plus-value réalisée par les contribuables belges à l’occasion de la cession de leur participation en 1993 à la société en perte.

L’administration y voyait une stratégie globale avec utilisation de structures étrangères à celles qu’utilise classiquement un bon père de famille, en vue de réaliser in fine une plus-value sur titres exonérée d’impôt.

Parmi les arguments invoqués npar l’administration figurent quelques perles dont elle est coutumière, à savoir, d’une part, qu’il n’est pas conforme au comportement d’un bon père de famille de vendre ses actions à une société dont le patrimoine propre est négatif. On peut répondre à cet argument que, dès l’instant où cette société bénéficie d’un crédit bancaire, le contribuable n’a pas à se soucier plus avant de la composition de son patrimoine. Par ailleurs, autre argument invoqué dans ce cas : le fait que les actionnaires n’avaient en réalité pas abandonné le contrôle de la société d’exploitation qu’ils continuaient à contrôler via la SOPARFI.


On aperçoit assez mal à cet égard en quoi cet élément serait élisif du comportement d’un bon père de famille.
Dans une décision extrêmement motivée, le Tribunal de 1ère instance de Bruxelles a considéré que l’opération restait dans le cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé.


Il a relevé, d’une part, que les actions de la société commerciale étaient la propriété du couple depuis de nombreuses années et qu’on ne pouvait donc pas considérer qu’ils les aient acquises avec un but spéculatif.


Il rappelle qu’il est du libre choix d’un contribuable d’opter pour la voie la moins imposée, qu’un contribuable peut mettre en place une structure juridique dont il accepte toutes les conséquences, sans violer de dispositions légales, sans que cet élément ne soit élisif de la gestion normale d’un patrimoine privé.
Très justement, le Tribunal exclut de l’appréciation du caractère normal ou anormal de l’acte les opérations qui ont été réalisées postérieurement à la cession, c’est-à-dire la vente finale du groupe à un repreneur néerlandais et la transformation de la SOPARFI en holding 29.


En conclusion, le recours à des structures étrangères et l’assistance de conseils afin de fiscaliser nau mieux la vente d’une participation ne sont pas anormaux pour un bon père de famille.

Le Tribunal relèvera également que les contribuables n’ont pris aucun risque financier, ils ne se sont jamais portés cautions pour les obligations de la société en perte. On ne peut qu’approuver cette décision qui relève, à juste titre, que les notions de gestion normale d’un patrimoine privé et de planification fiscale ne sont pas antinomiques.

Auteur : Sophie Vanhaelst

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