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Le droit de se taire enfin reconnu en matière fiscale


Le droit de se taire est un principe consacré en matière pénale. Il est d’ailleurs consacré par la Convention européenne des droits de l’homme (article 6) etpar le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 14, §3, g).


En matière fiscale, ce droit n’est pas reconnu. Au contraire, le contribuable a une obligation de collaboration avec le fisc afin de déterminer la base imposable (articles 315 et suivants du CIR).


Qu’en est-il cependant lorsqu’on se situe dans la sphère ‘fiscale-pénale’, en d’autres termes, quand le contribuable est suspecté defraude ? Celui-ci pourra-t-il invoquer le droit au silence pour ne pas participer à sa propre incrimination?


Cette question a été soumise au tribunal de première instance de Liège qui, dans un jugement du 23 mars 2006, a répondu par
l’affirmative à cette interrogation: le contribuable, considéré comme fraudeur par l’administration, peut se réfugier derrière le droit au silence. La taxation et l’amende ont été annulées, l’administration n’avait pas le droit de recourir à la taxation d’officepour défaut de réponse à une demande
de renseignements.


Afin de parvenir à cette conclusion, le tribunal a invoqué que le droit au silence est protégé et garanti par la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que par le pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Il s’est ensuite référé à la jurisprudence de principe de la Cour Européenne des Droits de l’Homme selon laquelle les enquêtes menées par l’administration des douanes françaises étaient contraires au droit de se taire consacré par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.


Le tribunal a constaté que l’administration fiscale invoquait l’intention frauduleuse à l’encontre du contribuable afin de justifier le recours au délai de taxation extraordinaire de cinq ans (article 354, al.2 du CIR 92).


Or, cette notion d’« intention frauduleuse » correspond à celle reprise par les articles 444 et suivants du CIR 92 qui fixent les sanctions dites ‘administratives’. Il s’agit en l’espèce des accroissements qui peuvent être infligés au contribuable en cas de déclaration incomplète et inexacte. Lorsque l’intention frauduleuse est retenue, ceux-ci peuvent être de 50 à 200% (alors que lorsque l’inexactitude ne résulte pas d’une quelconque intention frauduleuse, les accroissements restent inférieurs à 50 %).


En outre, conformément aux articles 449 et suivants du CIR, des peines d’emprisonnement et/ou des amendes peuvent être infligées : la fraude fiscale (présence d’intention frauduleuse) est érigée en infraction – pénalement punissable- par ces dispositions.

Pour le tribunal : « il s’agit dans les deux cas de sanctions présentant un caractère répressif manifeste, même si la première est qualifiée de sanction administrative ». La procédure initiée par l’application de l’article 333, alinéa 3 était susceptible d’aboutir à une sanction procédant d’une accusation en matière pénale.


Le tribunal a ainsi conclu : « dans ces circonstances le refus du requérant de fournir les documents et renseignements demandés relève de son droit au silence tel qu’il résulte de l’article 6 (…) et de l’article 14, § 3 G du pacte (…) et ne peut être sanctionné par une amende ou par l’établissement d’une imposition d’office ».


Cette décision doit évidemment être favorablement accueillie.


Elle conclut en effet au droit au silence pour le contribuable, suspecté de fraude fiscale, en dehors de toute instruction ou information déjà pendante à son encontre.


La notification d’indices de fraude adressée au contribuable permettait de conclure qu’il pourrait faire l’objet de sanctions procédant d’une accusation en matière pénale. En d’autres, il faut mais il suffit qu’une personne puisse faire l’objet d’une accusation en matière pénale pour que celle-ci puisse invoquer le droit au silence.
Si cette affirmation semble évidente, l’administration estime, au contraire, que le contribuable ne pourrait jamais invoquer ce droit dans la mesure où les informations demandées servent uniquement à établir la base imposable…


Il s’est ensuite référé à la jurisprudence de principe de la Cour Européenne des Droits de l’Homme selon laquelle les enquêtes menées par l’administration des douanes françaises étaient contraires au droit de se taire consacré par l’article 6 de la Convention européenne des
droits de l’homme.

Ce raisonnement, assez simpliste ne peut être suivi. A l’instar du tribunal de première instance de Liège, il faut se rappeler que dès que l’administration retient l’intention frauduleuse, le contribuable est passible de sanctions pénales (même si elles sont qualifiées de sanctions administratives) et peut être condamné à des peines de prison ou des amendes.
Il y a bien accusation en matière pénale et, partant, le droit au silence relevant des droits de la défense doit primer sur l’obligation de collaboration avec le fisc … quoi qu’il lui en coûte.

Auteur : Sabrina Scarna

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