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Répétibilité des frais de conseil en matière fiscale - première décision prositive

Depuis le célèbre arrêt de la Cour de cassation qui décida qu’une partie à un contrat, qui se voit contrainte de réclamer en justice l’exécution de celui-ci en raison d’une faute de son cocontractant, peut demander à celui-ci le remboursement de ses frais d’avocat, les praticiens se sont attachés à examiner si et dans quelle mesure cette jurisprudence pouvait être étendue aux autres matières que la matière contractuelle.

Un consensus a assez rapidement été dégagé en ce qui concerne l’extension de cette jurisprudence aux matières extracontractuelles, telle la responsabilité civile de droit commun.

Doctrine et jurisprudence restent cependant de manière majoritaire opposée à l’idée que l’on puisse récupérer les honoraires de conseil dans le cadre d’une procédure fiscale, sociale, ou pénale – toutes matières où l’adversaire est souvent l’Etat belge lui-même.

En matière fiscale, la question avait déjà été posée aux juridictions bien avant l’arrêt de la Cour de cassation précité, mais avait à chaque fois reçu une réponse négative.

L’arrêt de la Cour de cassation a permis de relancer la discussion sur ce sujet.

L’exclusion de ces matières particulières du principe, admis par la Cour de cassation, de la répétibilité des honoraires de conseil dans certaines circonstances, ne trouve en effet pas de fondement logique.

En effet, l’arrêt de la Cour de cassation est fondé sur le fait que la partie qu’il a fallu contraindre en justice au respect de ses obligations a commis une faute, et que toute faute oblige celui qui la commet à la réparation intégrale de celle-ci. Réparer intégralement la faute, c’est remettre la partie qui l’a subie dans la situation où elle se serait trouvée si cette faute n’avait pas été commise.

Si la faute n’avait pas été commise, cette partie n’aurait bien évidemment pas exposé des frais d’avocat pour sa défense en justice. En matière fiscale, le fait que l’adversaire soit l’Etat belge ne devrait pas avoir d’influence sur l’application de ces principes.

En effet, depuis presque un siècle à présent, la jurisprudence décide que l’Etat belge, bien qu’il soit une puissance publique, peut être tenu pour responsable de ses fautes comme toute personne privée, et qu’il peut être condamné à réparer le dommage causé par celles-ci.

Dans l’appréciation de l’existence de cette faute, le droit fiscal se voit attribuer un statut particulier. En effet, toutes les normes de droit fiscal sont d’ordre public, de sorte que tout comportement de l’administration fiscale qui ne respecte pas la loi fiscale constitue un comportement illégal.

Or, une autre théorie du droit de la responsabilité, admise depuis des décennies, établit que toute violation de la loi, et a fortiori d’une loi d’ordre public, constitue une faute civile : il s’agit de la théorie de l’identité de l’illégalité et de la faute.

Celle-ci pourrait être résumée de la manière suivante : toute violation de la loi constitue une faute civile qui peut entraîner la responsabilité de son auteur.

Les principes dégagés par l’arrêt de la Cour de cassation doivent, pour cette raison, trouver application en matière fiscale. En effet, l’administration établissant une taxation qui s’avère non justifiée, soit qu’elle est annulée par un tribunal, soit qu’elle est totalement ou partiellement dégrevée, a nécessairement commis une erreur dans l’application de la loi fiscale : une taxation non justifiée n’est pas une taxation légale, et il y a donc dans ce cas une violation de la loi, et donc une faute de l’Etat belge.

Cette argumentation pourtant logique n’a pas encore convaincu beaucoup de juridictions. Une première décision favorable est cependant intervenue au mois de juin dernier.

L’Etat belge avait pratiqué une retenue en matière de TVA comme sûreté d’une dette contestée par l’assujetti, mais sans respecter les conditions légalement requises pour pouvoir pratiquer une telle retenue.

Averti des motifs de la contestation de l’assujetti, l’Etat belge avait cependant maintenu la retenue litigieuse, de sorte que l’assujetti avait été contraint de demander par voie judiciaire la levée de la retenue, et avait assorti cette demande de levée d’une demande visant à répéter les honoraires de conseil.

Le juge a très clairement décidé qu’en pratiquant et en maintenant la retenue, l’Etat belge avait commis une faute, car il n’avait pas respecté les conditions légales qui lui permettaient d’effectuer cette retenue, et qu’il lui incombait dès lors d’indemniser le dommage de l’assujetti, dont il a décidé que les frais de défense faisaient partie.

Ce jugement doit être entiérement approuvé, car il rejette toutes les théories qui ont déjà été défendues pour soustraire la matière fiscale, pour des motifs qui ressortissent principalement de l’argument d’autorité, au principe de la répétibilité des frais et honoraires d’avocat.

D’autres juridictions devraient, espérons-le, adopter la même position.

Auteur : Severine Segier

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