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Droits de succession et distributions faites par un trust

Les décisions jurisprudentielles en matière de trust sont rares. Aussi, c’est toujours avec un intérêt certain que toute nouvelle décision est accueillie par les praticiens et les commentateurs.

Une récente décision du tribunal de 1ère instance de Bruxelles ne déroge pas à la règle (jugement du 22.10.2010). Cette décision, dont deux trusts en cascade fondent les faits, nous apporte les enseignements suivants.

Le tribunal confirme tout d’abord la validité du trust en droit civil et son opposabilité à l’administration fiscale. Celle-ci soutenait qu’en tant qu’organisant la succession d’un père et grand-père au mépris des règles réservataires, il y avait lieu de considérer les trusts comme contraires à l’ordre public (et dès lors nuls) ou, à tout le moins, fondés sur une cause illicite. Le tribunal rejette ces arguments, aucun héritier réservataire ne revendiquant son droit à la réserve et une éventuelle réduction des trusts. Il faut relever à ce propos que les faits de la cause étaient antérieurs à l’entrée en vigueur en Belgique du Code de droit international privé dont l’article 122 reconnaît désormais les effets juridiques d’un trust valablement constitué sous l’empire d’un droit étranger.

A titre subsidiaire, l’administration fiscale estimait qu’il fallait voir dans les attributions faites par le trust à ses bénéficiaires (un des fils du défunt et deux de ses petits-enfants) des legs particuliers soumis aux droits de succession en application de l’article 8 du Code des droits de succession (il s’agissait d’une attribution d’actions d’une société immobilière).

C’est donc la délicate question du régime fiscal des attributions d’un trust, après le décès de son fondateur, qui était soumise au tribunal sachant qu’il n’existe aucune disposition fiscale belge qui régisse spécifiquement les trusts.

Le tribunal a décidé que, du point de vue fiscal, il faut assimiler les distributions effectuées par les trusts litigieux à des legs particuliers et, dès lors, les soumettre aux droits de succession. Pour apprécier si l’on est en présence d’un fait générateur d’impôt et arriver à cette conclusion, le tribunal appréhende le trust selon la méthode dite « téléologique » qui consiste à analyser le trust en recherchant le but, la finalité poursuivis par le trust.

Si ceci permet au tribunal d’éviter l’écueil de devoir tenter de faire entrer le trust dans les catégories de droit civil belge, l’on peut toutefois s’interroger sur la compatibilité d’une telle démarche avec le principe d’interprétation stricte du droit fiscal lui-même justifié par le caractère dérogatoire des lois fiscales à la franchise générale des personnes et des choses. Ceci d’autant plus que le tribunal reconnaît précisément que l’institution du trust ne peut être analysée en un legs lorsque l’on en examine ses caractéristiques.

Probablement conscient de la faiblesse de cette argumentation, le tribunal ajoute, « à titre superfétatoire » qu’en tout état de cause, les distributions effectuées par les trusts litigieux constituent des legs particuliers taxables en application de l’article 8 du Code des droits de succession. Cette disposition déroge au principe général selon lequel l’impôt successoral ne frappe que les biens se trouvant dans le patrimoine du défunt au jour de son décès et vise, sous certaines conditions, les avantages qu’une personne est appelée à recevoir en raison d’une stipulation en sa faveur.

Un des arguments généralement mis en exergue par la doctrine la plus autorisée pour contrer l’application de l’article 8 C. succ. est la circonstance que cette disposition requiert l’existence d’un contrat et que le trust n’en est pas un.

Le tribunal de 1ère instance de Bruxelles décide le contraire et considère que tous les trusts inter vivos (c’est-à-dire faits du vivant du settlor) constituent selon lui des contrats parce que les actes constitutifs sont insérés dans de véritables contrats comportant des engagements des constituants et des trustees.

Cette argumentation, qui est peut être motivée par des circonstances propres à l’espèce mais non précisées dans le jugement, paraît inexacte et ne peut être validée telle quelle.

Tout d’abord, l’article 15, §1 du Code de droit international privé commande d’interpréter l’institution du trust, non pas selon la loi belge, mais selon l’interprétation reçue à l’étranger et donc selon la loi qui lui est applicable.

A ce propos, l’on sait que les juristes anglo-saxons insistent sur la circonstance que le trust naît de la volonté unilatérale du constituant et sur son engagement unilatéral de transférer des biens à un tiers, le trustee.

L’article 122 du Code de droit international privé confirme d’ailleurs cette analyse puisqu’il dispose que le terme « trust » vise une « relation juridique » créée par « un acte du fondateur ».

Dans son analyse du régime fiscal des distributions faites par un trust à l’occasion du décès du settlor, la décision commentée ne peut donc être approuvée.

Relevons encore que cette décision concernait des fixed interest trusts et non des trusts discrétionnaires. Dans ce dernier cas, l’article 8 C. succ. ne peut en tout état de cause s’appliquer, toute distribution dépendant exclusivement de la décision du trustee.

Thème : Les droits de succession

Auteur : Sylvie Leyder

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