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De bien curieux résidents belges

On sait que les Conventions préventives de double imposition prévoient en général plusieurs critères pour déterminer l’Etat dans lequel une personne physique est, au point de vue fiscal, considérée comme résidente. C’est ainsi que la Convention conclue entre la France et la Belgique prévoit les quatre critères successifs suivants :

  1. Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer permanent d'habitation ;
  2. Si elle dispose d'un tel foyer dans les deux Etats, elle est considérée comme résidente de l'Etat "avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits", c'est-à-dire le lieu où elle dispose du centre de ses intérêts vitaux ;
  3. Si l'Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut être déterminé, elle est considérée comme un résident de l'Etat dans lequel elle séjourne habituellement ;
  4. Si cette personne séjourne de manière habituelle dans les deux Etats, elle est considérée comme résidente de l'Etat dont elle possède la nationalité.

Ces critères sont successifs, c'est-à-dire qu'ils s'appliquent les uns à défaut des autres.

De nombreuses personnes âgées, malheureusement atteintes de la maladie d’Alzheimer, doivent à un moment ou un autre être placées dans une résidence médicalisée apte au traitement de ce type de pathologies. Ces centres ne sont pas nombreux et il arrive que certaines personnes, qui vivent et ont toujours vécu dans le Nord de la France, soient amenées à placer leur conjoint ou leur auteur dans un tel établissement en Belgique, pour éviter des déplacements fastidieux loin de leur domicile.

L’administration fiscale belge, se disputant le cynisme et l’avidité, n’a pas tardé à s’intéresser à ces malades qui occupent tout au plus une chambre dépersonnalisée dans un établissement de soin : selon elle, ces personnes sont des résidents belges, soumis à l’impôt en Belgique, car elles disposent en Belgique d’un foyer permanent d’habitation ! Confrontées à des enrôlements excédant de loin l’impôt par ailleurs déjà payé en France, les familles de ces malades se sont insurgées contre cette imposition en Belgique, en faisant valoir que s’il faut assimiler une chambre d’un établissement médicalisé à un foyer permanent d’habitation au sens de la Convention, il faut bien constater que dans la plupart des cas, ces malades ont conservé leur habitation en France, de sorte qu’ils disposent, dans le pire des cas, d’un foyer permanent d’habitation dans les deux pays.

C’est donc le deuxième critère, soit le centre des intérêts vitaux, qui permet alors de localiser le lieu de la résidence fiscale de ces personnes. Comme celles-ci ont en France leur habitation, leur famille, leurs enfants, leurs liens sociaux, leurs comptes en banque et toutes leurs attaches, il paraît évident qu’elles conservent la qualité de résidents français.

Face aux levées de boucliers des familles de ces malades, les autorités fiscales des deux pays se sont concertées il y a quelques mois et ont décidé ceci :

« Les personnes isolées (veufs ou veuves, célibataires) qui ne possèdent plus un foyer d’habitation permanent en France et qui séjournent dans une maison de repos ou une maison de repos et de soins en Belgique sont considérées résidentes de Belgique. Toute personne ayant intégré une maison de repos ou maison de repos et de soins en Belgique avant le 1er janvier 2012, dont le conjoint est résident de France et avec lequel elle est soumise à une imposition commune en France à l’impôt sur le revenu, est considérée résidente de France ».

Les autorités administratives des deux pays établissent ainsi des distinctions entre les isolés et les personnes mariées, et, semble-t-il, entre ces dernières selon la date à laquelle elles ont intégré l’établissement spécialisé : seul le conjoint marié ayant intégré la maison de soins belge avant le 1er janvier 2012, qu’il dispose ou non en France d’un foyer permanent d’habitation, conserve sa qualité de résident français !

Une telle décision administrative est évidemment totalement discriminatoire et doit être combattue avec opiniâtreté, non seulement parce que les impositions qui en résultent sont pour le moins moralement choquantes, mais parce qu’elles sont en outre illégales.

Auteur : Martin Van Beirs

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