ours-idefisc

Idefisc — Actualités fiscales

Quel aléa pour l’assurance-vie ?

Depuis un certain temps déjà, la nature juridique des produits d’assurance-vie alimente la controverse entre les partisans de la requalification en opération de capitalisation et les défenseurs du contrat d’assurance.

Le sujet est loin d’être théorique. L’assurance-vie bénéficie tout d’abord, par rapport aux autres produits financiers, d’un régime de droit civil particulièrement avantageux. L’assurance-vie jouit également de mesures fiscales favorables.

Pour dénier aux contribuables le bénéfice de ces mesures fiscales, l’administration remet très régulièrement en cause la qualification d’« assurance-vie » de certains produits d’assurance.

Parmi les arguments qu’il invoque, le fisc fait état de ce que les contrats d’assurance sont soumis non seulement aux législations spécifiques sur les assurances (la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d’assurances et la loi du 25 juin 1992 relative au contrat d’assurance terrestre) mais également au Code civil et notamment aux articles 1104 et 1964 de ce Code.

Ce faisant, l’administration considère que les contrats d’assurance-vie sont des contrats aléatoires au sens des articles 1104 et 1964 du Code civil, qu’ils doivent donc comporter un aléa au sens de ces dispositions, à savoir une chance de gain ou de perte liée à un événement incertain, et qu’à défaut d’existence d’un tel aléa, un produit d’assurance ne peut constituer une assurance-vie mais uniquement un contrat de placement.

Cette analyse est inexacte.

La définition du contrat d’assurance-vie donnée par la loi sur le contrat d’assurance terrestre ne requiert pas l’existence d’un aléa, au sens du Code civil. Selon cette définition, l’élément essentiel du contrat d’assurance-vie est l’événement incertain lié à la durée de la vie humaine, qui, lorsqu’il survient, déclenche l’exécution par l’assureur de ses obligations.

L’exigence d’un aléa doit donc être comprise comme l’exigence d’un événement de réalisation incertaine (et non comme l’exigence d’une chance de gain ou de perte dans le chef des parties).

Cette interprétation est amplement justifiée par de nombreux arguments, parmi lesquels il faut relever que la loi de 1992 sur le contrat d’assurance terrestre est une loi particulière et postérieure au Code civil.

Dans quatre arrêts du 23 novembre 2004, la Cour de cassation de France a confirmé, en droit français, que le contrat d’assurance dont les effets dépendent de la durée de la vie humaine comporte nécessairement un aléa et constitue un contrat d’assurance-vie. La Cour n’a donc pas requis l’exigence d’un aléa, au sens de l’article 1964 du Code civil.

Dans le même sens, en droit belge, le Tribunal de commerce de Bruxelles a décidé, dans un jugement du 29 novembre 2005, qu’une assurance-vie de la branche 23 qui ne prévoit pas de couverture décès minimum, est bien un contrat d’assurance-vie valable.

Ce jugement confirme donc l’interprétation selon laquelle l’existence d’une chance de gain ou de perte prévue par l’article 1964 du Code civil ne concerne pas les assurances-vie et que le critère nécessaire et suffisant pour qualifier un contrat d’assurance-vie réside dans le fait que le contrat subordonne la prestation de l’assureur à la survenance d’un événement incertain qui dépend exclusivement de la durée de la vie humaine. Il résulte de ce jugement que la validité d’une assurance-vie n’est déterminée que par la législation spécifique des assurances terrestres.

Depuis cette première décision, d’autres décisions - en ceci approuvées par la meilleure doctrine – sont allées dans le sens résultant de la jurisprudence de la Cour de cassation de France.

C’est notamment le cas d’un jugement du Tribunal de première instance de Bruges du 4 février 2009. Tel est également le cas d’un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Anvers, le 3 mars 2009.

Par cet arrêt fiscal, la Cour d’appel d’Anvers a ainsi rejeté le renvoi – pour définir le contrat d’assurance-vie – à l’article 1964 du Code civil, relatif aux « contrats aléatoires ».

D’après la Cour, il est vrai que cette disposition prend le contrat d’assurance comme exemple de contrat aléatoire mais il vise uniquement, en ce qui concerne les contrats d’assurance, les contrats conclus dans le cadre du droit maritime. Ce texte ne concerne donc pas les contrats d’assurance-vie, puisque ceux-ci tombent sous l’application de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre.

Les juridictions civiles partagent désormais la même analyse. Ce fut encore le cas récemment, dans trois arrêts de cours d’appel.

Par exemple, à l’occasion de sa décision du 24 novembre 2008, la Cour d’appel d’Anvers énonce que l’assurance-vie n’a jamais été visée par l’article 1964 du Code civil, qui définit le contrat aléatoire. Cette disposition, décide la Cour, concerne uniquement l’assurance maritime.

L’on ne peut être plus clair et plus unanime, tant sur les plans civil que fiscal, sur ce qu’il faut entendre par la notion d’« aléa », dans le cadre des contrats d’assurance-vie.

Reste, pour réaliser une complète unanimité, à en convaincre l’administration fiscale qui, en la matière, fait preuve d’une obstination que d’aucuns pourraient juger coupable.

Auteur : Olivier NEIRYNCK

ours-idefisc
Idefisc — Actualités Fiscales
©2003-2020 Idefisc & Words and Wires W3validator