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L’obligation solidaire des personnes condamnées pour fraude fiscale n’est pas une « peine » au sens de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme

En vertu de l’article 458, § 1er CIR, toute condamnation pénale encourue pour une infraction fiscale définie aux articles 449 ou 450 CIR implique, automatiquement, et de plein droit, une obligation solidaire au paiement des droits éludés tant pour l’auteur de l’infraction que pour quiconque y a participé, sans réquisition du Ministère Public, sans débat contradictoire, sans motivation, et même sans aucune mention.

La jurisprudence a toujours considéré cette condamnation solidaire au paiement de l’impôt éludé comme étant une conséquence civile de la condamnation en tant que (co)auteur ou complice d’infractions fiscales, de sorte que les principes généraux du droit pénal ne seraient pas applicables à cette condamnation.

De plus, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, en tant que la condamnation solidaire est une conséquence civile qui s’attache à la condamnation du prévenu du chef d’une infraction fiscale, qui s’applique de plein droit, même lorsqu’il s’agit d’une simple déclaration de culpabilité, aucun tempérament à la solidarité n’est prévu en fonction du degré d’implication du (co)auteur ou du complice condamné pour des infractions fiscales, ou encore en fonction des avantages retirés.

Des prévenus étaient poursuivis devant le tribunal correctionnel de Bruxelles et la Cour d’appel de Anvers, pour des faits liés à un mécanisme de « société de liquidités », et particulièrement des faux en écriture et usage de faux ainsi que diverses infractions visées par le CIR, avec l’intention frauduleuse d’éluder l’impôt.

Ces prévenus avaient dans ce contexte fait valoir que l’obligation solidaire, susceptible d’atteindre d’énormes proportions du fait de l’impossibilité pour le juge de modérer la condamnation, est une peine au sens de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, de sorte qu’il devait y être fait application des principes généraux du droit pénal.

Les deux juridictions posèrent à la Cour Constitutionnelle une question préjudicielle tenant à la compatibilité de l’article 458 CIR avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

La Cour Constitutionnelle, dans un arrêt du 18 juin 2009, a répondu par la positive à cette question.

La Cour a dans un premier temps précisé qu’en vertu de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme , une obligation solidaire peut être considérée comme une sanction pénale visée à l’article 6.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme si elle a un caractère pénal selon la qualification en droit interne, ou s’il ressort de la nature de l’infraction, à savoir sa portée générale et le caractère préventif et répressif de la sanction, qu’il s’agit d’une sanction pénale, ou encore s’il ressort de la nature et de la sévérité de la sanction subie par l’intéressé qu’elle a un caractère punitif et donc dissuasif.

La Cour a toutefois précisé que l’emplacement de l’article 458 CIR, dans la section II, du titre VII, chapitre X du Code, ayant comme intitulé « Sanctions pénales », ne suffisait pas pour qualifier la mesure, en droit interne, de « sanction pénale », puisque selon la Cour, la disposition vise à attacher, de plein droit, une conséquence civile, de par sa nature, à la condamnation ou à la déclaration de culpabilité du chef d’une infraction fiscale.

La Cour a encore précisé que la mesure tend, selon elle, principalement à garantir à l’Etat que les revenus qui lui ont échappé (en raison de la fraude fiscale qui a été rendue possible par les infractions du chef desquels les co-auteurs et les complices ont été condamnés) reviennent finalement au Trésor public, l’obligation solidaire servant ainsi à compenser le dommage causé au Trésor par la faute à laquelle ont participée les co-auteurs et les complices.

Enfin, la Cour a considéré que la solidarité, à laquelle sont tenus les co-auteurs ou les complices, se limite à « l’impôt éludé », mais ne s’applique pas aux majorations d’impôt, aux amendes administratives, aux intérêts et aux frais, et qu’un co-auteur ou un complice n’est solidairement tenu qu’au paiement des droits qui ont été éludés grâce à l’infraction du chef de laquelle il a été condamné. Il semble que la Cour en ait déduit l’existence d’une certaine possibilité de « modération » de l’obligation solidaire.

La Cour a sur cette base conclu au caractère civil de la sanction visée à l’article 458 CIR, avec la conséquence que les principes généraux de droit pénal n’y sont pas applicables.

Après avoir adopté cette décevante position, la Cour a toutefois précisé que les litiges qui découleraient de la fixation du montant de l’impôt éludé, du recouvrement de cet impôt ou du droit de recours du co-auteur ou du complice condamné à la solidarité (contre les autres condamnés) doivent quant à eux faire l’objet d’un contrôle de pleine juridiction par le juge compétent.

Ceci revient à accorder au co-débiteur solidaire les mêmes voies de recours que le redevable de l’impôt lorsque le montant de l’impôt éludé n’est pas établi au moment de la condamnation, ou encore à accorder au débiteur poursuivi en recouvrement de l’impôt la possibilité de porter devant le tribunal civil compétent toute contestation ayant trait à la fixation de la partie de l’impôt éludé grâce à son intervention.

Auteur : Melanie Daube

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