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Un établissement stable fiscal est-il nécessairement un siège d’opération comptable ?

La Cour de cassation a rendu récemment un intéressant arrêt en matière de succursale au sens comptable (Cass., 30 avril 2009).

Une société de droit suisse donne à bail en 1991 une villa qu’elle a acquise en vue de sa location ; le loyer est fixé au montant forfaitaire de quinze millions de francs, que la société suisse a immédiatement reçu. L’administration fiscale entend taxer intégralement ce montant comme un revenu de l’année 1991.

La société suisse revendique le droit au fractionnement du loyer perçu anticipativement sur toute la durée du bail (en l’occurrence trente ans).

La Cour d’appel rejette la demande de la société en raison de la méconnaissance des règles comptables belges.

La question est de déterminer si la société suisse était réellement tenue par la loi comptable belge.

Selon la loi relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises, les entreprises de droit étranger ne sont soumises aux dispositions du chapitre premier de la loi qu’en ce qui concerne les succursales et sièges d’opération qu’elles ont établis en Belgique.

Pour qu’une société étrangère ait en Belgique une succursale ou un siège d’opération au sens comptable, il est nécessaire qu’elle y accomplisse régulièrement des actes rentrant dans le cadre de son activité sociale et qu’elle y soit représentée par un mandataire capable de l’engager envers les tiers.

Dans un premier temps, la Cour d’appel de Bruxelles a constaté que la société suisse « disposait bien d’un établissement stable au sens du Code des impôts sur les revenus, par le seul fait d’être propriétaire d’un bien immeuble situé en Belgique et de le donner en location », mais elle n’a cependant pas constaté que l’établissement dont ladite société disposait en Belgique réunissait les conditions pour être une succursale ou un siège d’opération au sens comptable.

La Cour d’appel a considéré néanmoins que la société était soumise aux dispositions de la loi comptable et « avait l’obligation de tenir une comptabilité pour les opérations réalisées en Belgique, ce qu’elle n’a pas fait », et qu’« à défaut d’avoir tenu cette comptabilité et, dès lors, d’avoir respecté la comptabilisation préconisée pour le loyer anticipé litigieux, la société ne peut pas se prévaloir d’une écriture comptable de régularisation qu’elle n’a pas passée pour obtenir une taxation sur un loyer fractionné ».

Elle en conclut que l’intégralité de la somme reçue par la société suisse au titre du loyer payé par anticipation doit être tenue pour un revenu imposable de l’année de sa perception.

La Cour de cassation va censurer ce raisonnement.

Elle constate que la Cour d’appel n’a pas vérifié que les critères permettant de conclure à l’existence d’une succursale ou d’un siège d’opération au sens comptable étaient simultanément remplis en l’occurrence.

La Cour d’appel a en effet considéré qu’avoir un établissement fixe au sens fiscal suffisait à rendre obligatoires les dispositions de la loi comptable belge.

Or, tel n’est pas le cas. Le droit comptable est plus restrictif que le droit fiscal à cet égard.

Une société étrangère peut donc avoir un établissement stable au sens fiscal et ne pas avoir, pour autant, une succursale ou un siège d’exploitation au sens du droit comptable.

On ne peut dès lors reprocher à une telle société de ne pas avoir respecté le droit comptable belge.

Auteur : Pascale Hautfenne

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