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Droits de succession : l’amende pour omission viole la Constitution

Lorsque le législateur estime que la violation d’une disposition légale doit être sanctionnée, il relève de son pouvoir d’appréciation d’opter pour des sanctions pénales au sens strict ou pour des sanctions administratives (dénommées, en matière fiscale, amendes fiscales), les deux catégories de peines pouvant d’ailleurs s’appliquer cumulativement.

Un exemple est fourni par le Code des droits de succession qui sanctionne l’omission de déclaration par une amende fiscale applicable au contrevenant dont le taux marginal s’élève au double du montant des droits éludés.

Il y a omission lorsque les biens ne sont pas déclarés ou sont déclarés pour une quotité insuffisante, dans une déclaration qui n’est plus susceptible de rectification.

Il s’agit là d’une amende administrative, l’article 126 qui prévoit l’amende pour omission figurant dans la section « amendes fiscales », distincte de la section « peines correctionnelles » dans le chapitre « pénalités » du Code.

L’amende fiscale a le caractère d’indemnité civile et, de ce fait, est due de plein droit, par le fait de l’infraction, à la différence d’une sanction correctionnelle qui ne s’applique que si elle est prononcée par le juge, sur poursuite du ministère public.

Alors que les peines correctionnelles ne peuvent être réclamées que lorsqu’il y a intention frauduleuse (c’est-à-dire celle d’éluder l’impôt ou de coopérer à une telle fraude), les amendes fiscales sont dues même si le contrevenant prouve sa bonne foi ou si une erreur de droit ou de fait a été commise.

Ainsi, l’amende pour omission est due d’office, par la simple constatation par l’administration que l’obligation de déclaration n’est pas respectée : la preuve d’un élément moral n’est pas requise.

De la même manière, l’article 132 du Code prévoit qu’une amende pour omission peut être infligée à l’héritier d’un redevable négligent, postérieurement au décès du contrevenant. Le taux maximal de l’amende pour omission applicable à l’héritier du contrevenant peut s’élever à la moitié des droits éludés.

Le caractère particulièrement répressif de cette dernière disposition ainsi que le caractère artificiel de la distinction entre les amendes fiscales et les peines correctionnelles ont été récemment évoqués devant la Cour constitutionnelle à l’occasion d’une question préjudicielle portant sur l’article 132 du Code des droits de succession.

L’objet de la question préjudicielle portait sur la compatibilité de l’article 132 avec les articles 10 de la Constitution (garantissant le principe d’égalité) et 11 de la Constitution (interdisant la discrimination), eux-mêmes lus en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que l’article 132 permet que l’héritier soit tenu de payer une amende fiscale, infligée postérieurement au décès du redevable alors qu’en droit pénal commun prévalent le principe de la personnalité de la peine et la présomption d’innocence.

Dans son arrêt du 16 juillet 2009, la Cour a répondu positivement à la question préjudicielle qui lui était posée et a confirmé que l’article 132 du Code des droits de succession était discriminatoire.

La Cour se réfère dans son arrêt au Rapport au Roi précédant l’arrêté royal établissant le Code des droits de succession. La Cour constate que l’objectif recherché était d’autoriser le législateur, lorsque des personnes se rendent coupables de manœuvres frauduleuses en vue d’éluder l’impôt ou de permettre à un tiers d’y échapper, à se montrer rigoureux à leur égard.

La Cour constate que l’amende fiscale visée aux articles 126 et 132 (qui a pour objet de prévenir et de sanctionner les infractions commises par les héritiers) a un caractère essentiellement répressif et est donc pénale au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Cour relève que la nature pénale de l’amende administrative au sens de l’article 6 de la Convention a pour effet que les garanties de cette disposition doivent être respectées mais n’a pas pour conséquence que cette amende serait de nature pénale dans la législation belge.

Partant, il résulte, selon la Cour, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des garanties qui découlent des principes généraux du droit pénal que les principes fondamentaux de la personnalité de la peine et de la présomption d’innocence doivent être respectés.

Cet arrêt doit être approuvé en ce qu’il souligne que l’amende fiscale pour omission a un caractère répressif (et non réparateur) et que dès lors, l’héritier d’une personne qui se voit reprocher une omission donnant lieu à un amende fiscale ne être traité différemment de l’hériter d’une personne qui a commis une infraction de droit commun.

Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle selon laquelle la différence entre les amendes fiscales et les peines correctionnelles s’estompe (la Cour ne retenant comme critère pertinent que le caractère répressif de la sanction), en sorte que la différence de traitement entre les deux types de peines n’est pas raisonnablement justifiée.

Thème : Les droits de succession

Auteur : Sylvie Leyder

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