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Du caractère simulé des conventions

La Cour d’appel de Bruxelles a eu à connaître d’un litige dans lequel l’administration invoquait l’existence d’une simulation dans le cadre d’une convention de cession d’actions conclue entre un vendeur-personne physique et un acheteur-société, qui avait été résolue par suite de l’inexécution par la société de ses obligations contractuelles.

Précisons d’emblée que le vendeur était administrateur tant de la société acquéreuse que de la société dont les actions étaient vendues.

La convention initiale prévoyait que la société acquéreuse des actions devait fournir, à la signature de la convention, une garantie bancaire à première demande, garantissant au vendeur le paiement du prix.

Quelques mois plus tard, les parties ont conclu un avenant à la convention, par lequel elles résiliaient cette dernière, à défaut pour la société acquéreuse de fournir la garantie bancaire initialement prévue, alors que cette formalité aurait constitué une condition essentielle de l’accord du vendeur.

A titre de dédommagement, l’avenant précisait que le vendeur conserverait l’acompte de cinq millions d’anciens francs  versés en grande partie antérieurement.

L’administration soutenait que cette opérationétait simulée et que la somme perçue par le vendeur constituait en réalité une rémunération d’administrateur.

En se fondant sur l’enseignement classique, la Cour rappelle fort justement que la simulation implique l’existence de deux conventions, une première apparente et une seconde secrète, qui modifie totalement ou partiellement les effets de la première.

Il en résulte que lorsqu’elle entend invoquer l’existence d’une simulation, l’administration fiscale doit établir que les parties n’acceptent pas toutes les conséquences de l’acte apparent.

Selon la Cour, tel serait le cas en l’espèce, dans la mesure où les parties ont signé la convention de cession des actions en sachant pertinemment bien que la garantie bancaire, dont ils diront par après qu’elle était essentielle à l’accord du vendeur, faisait défaut à l’époque de la signature, contrairement à ce que précise le texte de la convention.

La Cour fait dès lors sienne la thèse de l’administration selon laquelle les parties auraient "participé à un montage consistant à faire passer des revenus professionnels attribués par la société acquéreur comme un dédommagement, dans le seul but de faire échapper à l’impôt le montant versé au vendeur".

Les circonstances de fait de l’espèce étaient certes assez troubles, mais on s’étonne toutefois du caractère quelque peu hâtif d’une telle décision.

On ne peut en effet s’empêcher d’en déduire que la Cour aurait dû rendre une décision dans le sens contraire si les parties avaient simplement prévu, dans la convention originaire, que nl’acheteur s’engageait à produire la garantie bancaire dans un délai déterminé, et non pas à la signature de l’acte, ce qu’elles étaient parfaitement en droit de faire et ce qui n’aurait pas changé fondamentalement l’ordre des choses.

Au vu des éléments fournis par l’arrêt, le caractère simulé de la convention et de son avenant ne paraissent pas évidents, et il aurait été sans doute plus judicieux pour l’administration de tenter de placer le débat autour de la notion d’avantage – soit de toute nature, soit anormal ou bénévole – ressortant éventuellement  du «dédommagement» offert au vendeur par suite de la résiliation de la convention originaire.

En tout état de cause, cette décision est une nouvelle illustration des limites que pose dans bien des cas la théorie de la simulation: si tout le monde s’accorde sur sa définition théorique, fort justement rappelée ici par la Cour, son application pratique est bien souvent très discutable.

Sans doute en va-t-il ainsi parce que l’administration invoque trop souvent cette théorie sans le discernement requis, et sans prendre la peine de rechercher, dans l’arsenal des règles dont elle dispose, celle qu’elle pourrait adéquatement invoquer.

Auteur : Martin Van Beirs

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