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Contestation des retenues TVA

Il arrive souvent, lorsqu’un assujetti fait l’objet d’une régularisationTVA contestée, qu’il fasse de plus l’objet d’une retenue effectuée par l’administration de la TVA sur le solde créditeur de son compte courant TVA.

Cette situation est, pour l’assujetti, préjudiciable à plusieurs titres.

Tout d’abord, l’existence de la retenue empêche l’assujetti de demander le remboursement du solde créditeur de son compte courant.

Par ailleurs, la retenue bloque la somme, et ce généralement jusqu’à l’issue du litige, ce qui peut durer plusieurs années. Pourtant, cette somme, qui ne fait l’objet que d’une mesure de saisie conservatoire, n’est pas affectée au paiement de la TVA contestée, ce qui permettrait à tout le moins de réduire les montants contestés, qui sont productifs d’intérêts pendant toute la durée de la procédure.

Au contraire : le solde créditeur du compte courant est indisponible, tant vis-à-vis de l’assujetti que de l’Etat belge, et parallèlement,  les intérêts continuent à courir sur l’ensemble de la TVA litigieuse ainsi que des amendes.

En outre, certains assujettis comptent sur la demande de remboursement du crédit TVA pour s’assurer d’indispensables liquidités ; cela devient alors impossible.

Enfin, on sait que bien que la retenue soit une mesure en principe exceptionnelle, elle est presque systématiquement appliquée par  l’administration de la TVA, et ce en raison des dispositions spécifiques du Code TVA qui prévoient la possibilité d’effectuer une telle retenue.

La retenue TVA a, dans les faits, les mêmes conséquences et effets, pour l’assujetti, qu’une saisie conservatoire ordinaire effectuée par un créancier sur les biens de son débiteur. Elle fait cependant, en matière de TVA, l’objet d’un régime tout à fait distinct, prévu notamment par l’article 76 du Code TVA.

Ce régime est considérablement plus contraignant pour l’assujetti qui fait l’objet de la retenue, que pour n’importe quel débiteur qui ferait l’objet d’une saisie conservatoire ordinaire.

C’est essentiellement du point de vue des possibilités de contestation de cette saisie conservatoire que le Code TVA déroge au droit commun.

En principe, lorsqu’un créancier veut pratiquer une saisie sur les biens de son débiteur, même à titre conservatoire, il doit justifier de deux éléments : l’urgence, c’est-à-dire la démonstration du fait que ses droits sont en péril et la nécessité de cette saisie, qui doit découler de l’apparence de fondement de la créance invoquée.

S’y ajoutent, naturellement, les contestations pouvant porter sur le respect des procédures.

En cas de contestation devant le juge des saisies d’une retenue TVA, rien ne se passe de cette manière, si l’on applique les articles du Code TVA relatifs à la procédure spécifique de contestation de la retenue effectuée en matière de TVA.

Le recours permis à l’assujetti n’a en effet de « contestation » que le nom : il serait plus facile de dire que la retenue ainsi pratiquée par l’administration de la

TVA est, dans les faits, purement  et simplement incontestable par l’assujetti qui en fait l’objet.

En effet, en cas de saisie conservatoire sous forme de retenue de TVA, non seulement la condition d’urgence et la condition de nécessité, qui président à toutes les saisies conservatoires, sont présumées, et de manière irréfragable, remplies, mais encore, il est prévu que le juge fiscal ne peut ordonner la mainlevée de la saisie effectuée sous forme de retenue TVA, aussi longtemps que la contestation de la dette TVA ne donne pas lieu, au fond, à une décision définitive.

L’assujetti se voit donc offrir la possibilité, par le Code TVA, d’un recours, mais qui n’est que purement formel, et ne peut, selon le texte du Code TVA, donner aucun résultat pratique.

Les premières contestations relatives à ces articles du Code TVA ont fait l’objet, en 1997, d’un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes. La Cour a estimé que, le droit européen ne s’opposait pas, en principe, à des mesures telles que la retenue TVA tout en examinant le critère de la proportionnalité des dispositions légales adoptées à ce sujet par la Belgique.

Selon la Cour, les droits du Trésor ne justifient dès lors pas que soit systématiquement remis en  cause le droit à déduction de la TVA dans le chef de l’assujetti, en cas de contestation par celui-ci d’une TVA régularisée dans son chef, car ce principe est l’un des principes fondamentaux du système commun de TVA.

L’arrêt ajoute que dès lors qu’une procédure de saisie conservatoire spécifique à la TVA prévoit, de manière irréfragable, que les conditions requises pour toute saisie conservatoire en d’autres matières sont irréfragablement remplies, elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir un recouvrement efficace des créances de l’Etat belge, et elle porte atteinte au principe de proportionnalité, car les dispositions critiquées ne permettent pas à l’assujetti d’apporter la preuve contraire, sous le contrôle d’un juge.

La Cour d’arbitrage belge s’est également prononcée, en 1998 et en 1999, sur ces dispositions exorbitantes du droit commun. Elle décida également que ces dispositions spécifiques étaient disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi, étant donné qu’elles privaient les assujettis de leur droit à un contrôle juridictionnel effectif.

La Cour a décidé que ces articles ne pouvaient être appliqués que pour autant qu’on offre à l’assujetti une possibilité de recours effectif devant une juridiction, qui lui permette de renverser les présomptions de célérité et de nécessité de la retenue, et qui lui permette également d’obtenir une décision dans un délai normal.

C’est sur base de cette jurisprudence que des assujettis ont pu contester les retenues.

On observe par ailleurs que l’administration fiscale, malgré cette jurisprudence pourtant claire, continue à effectuer des retenues, ce qui est normal, mais aussi à contester le pouvoir du juge de se prononcer sur leur validité, ce qui l’est nettement moins.

Thème : La TVA

Auteur : Severine Segier

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