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Plus-values sur actions: étranges rulings

Depuis plusieurs années, l’administration a rompu avec son interprétation traditionnelle de l’article 90, 1° du Code des Impôts sur les Revenus, en tentant de taxer, dans certains cas, les plusvalues réalisées sur des actions, en tout cas non-cotées, par des personnes physiques.

Elle agit particulièrement dans ce sens dans le cas de plus-values dites «internes», c’est-à-dire en cas de vente à un acheteur «économiquement proche» du vendeur.

L’article cité du Code ne taxe les plus-values sur des valeurs de portefeuille que si elles sont réalisées en dehors de la gestion normale d’un patrimoine privé.

Cette notion dépend, d’après une jurisprudence établie sur plusieurs décennies, d’une série de critères, relatifs essentiellement au caractère spéculatif ou non de la plus-value, ce qui est apprécié en fonction de la durée de la détention de la participation, du recours ou non au crédit, du risque pris par l’investisseur …

Toutes ces notions concernent évidemment le comportement de la personne physique, seule en cause et seule risquant une taxation, avant la cession.

Dans plusieurs «décisions anticipées» (ruling), l’administration centrale a admis que de telles  opérations n’étaient pas imposables, moyennant trois conditions.

Celles-ci sont l’absence de modification de la politique de distribution des dividendes (en tout cas l’exclusion d’une distribution d’un dividende massif), l’absence de modification de la politique de rémunération des administrateurs, et l’absence de réduction de capital importante, l’ensemble de ces conditions s’appréciant sur les trois années à venir.

On voit immédiatement que ces conditions n’ont pas le moindre fondement légal, ni même l’apparence de celui-ci.

Pour apprécier si le vendeur est un bon père de famille, on se réfère exclusivement à des critères relatifs … à l’acheteur. De plus, ceux-ci ne sont pas nécessairement dépendants du comportement du vendeur. Enfin, on se base sur des conditions relatives à l’avenir, pour examiner si une cession d’une participation détenue dans le passé est ou non «normale».

On pourrait encore ajouter que pour apprécier le comportement d’un particulier gérant son patrimoine, on se fonde exclusivement sur les actes d’une société, qui n’a évidemment pas de patrimoine privé.

Ces conditions pourront sans doute satisfaire un certain nombre de vendeurs, qui pourront s’assurer qu’elles seront respectées dans l’avenir, et qui y trouveront donc une certaine forme de sécurité juridique.

Il n’empêche que, sur le plan du droit, la Commission des décisions anticipées n’aurait pas pu prendre un départ plus exécrable.

Alors qu’elle est censée appliquer la loi et exclusivement celle-ci, elle rend des décisions sur la base de critères strictement économiques, qui n’ont rien à voir avec le droit, et procède en réalité par voie quasi-législative.

De nombreux commentateurs ne s’y sont pas trompés, qui font des avis de cette Commission, une espèce de législation «à part» et donc de l’administration fiscale un véritable législateur.

Les craintes émises à de nombreuses reprises, et depuis plusieurs années dans IDEFISC, se révèlent donc correspondre à la réalité.

C’est le principe de la légalité de l’impôt qui est remis en cause, de même que celui de l’égalité des Belges devant la loi : l’administration s’arroge le droit de fixer elle-même, en dehors de loi, et sans même appliquer celle-ci, les conditions d’application  des règles fiscales dans des cas concrets. Au stade suivant, le législateur pourra se borner à fixer des règles floues en se disant que l’administration les adaptera par la suite … On aboutira alors à l’exact opposé de ce que l’on prétendait vouloir en créant la Commission des décisions anticipées : une absence de sécurité juridique.

Auteur : Thierry Afschrift

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