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Le devoir de motivation: ce dont on ne peut pas parler, il faut le taire

L’article 346 du Code des impôts sur les revenus prévoit que lorsque l’administration fiscale estime devoir rectifier les revenus et les autres éléments que le contribuable a mentionnés dans sa déclaration fiscale, dûment introduite, « elle fait connaître à celui- ci, par lettre recommandée à la poste, les revenus et les autres éléments qu’elle se propose de substituer à ceux qui ont été déclarés ou admis par écrit en indiquant les motifs qui lui paraissent justifier la rectification. »

L’alinéa 5 de cette disposition prévoit qu’au plus tard le jour de l’établissement de la cotisation, l’administration fait connaître au contribuable - par lettre recommandée à la poste - les observations que celui-ci a formulées valablement dans sa réponse à l’avis de rectification, et dont l’administration fiscale n’a pas tenu compte, « en indiquant les motifs qui justifient sa décision. ».

Or, l’administration fiscale se contente parfois de se baser sur une formule type, sans aucune explication détaillée ou individualisée dans le chef du contribuable.

Si tel est le cas, le contribuable se trouve dans l’impossibilité de répondre au contenu de l’avis de rectification ou de développer ses griefs dans le cadre de son éventuelle réclamation. Il s’ensuit que la procédure de taxation est nulle, ce qui implique la nullité de la taxation en tant que telle.

Dans son jugement rendu le 6 février 2006, le Tribunal de première instance de Bruges a confirmé cette thèse, en annulant la taxation, basée sur une procédure viciée pour manque de motivation.

En l’espèce, l’administration fiscale avait fait valoir que « la réalité des faits montrait que l’opération avait un caractère purement financier »

Après analyse des avis de recti- fications, le Tribunal constatait que l’administration n’avait nullement précisé cette « réalité des faits » et qu’elle s’était abstenue de concrétiser ses allégations.

Le Tribunal conclut à juste titre au manque de pertinence des avis de rectification et donc à la nullité des taxations.

Le jugement du Tribunal de première instance de Bruges s’inscrit dans une réalité jurisprudentielle constante.

La jurisprudence consacre en effet et à juste titre le caractére essentiel de la motivation des actes administratifs

C’est ainsi que le Tribunal de première instance de Liège a relevé, dans un jugement rendu le 19 février 2004, que : « La volonté du législateur étant d’imposer à l’administration une obligation d’information au plus tard au moment de l’établissement de la cotisation, la seule sanction possible d’une carence de l’administration doit être la nullité de la cotisation établie sans respecter cette obligation.

Décider autrement aboutirait à priver l’article 346 dernier alinéa 5 du CIR de toute portée pratique (…) »

Dans un arrêt rendu le 16 juin 2004, la Cour d’appel de Liège a jugé que « s’il est vrai qu’un avis de rectification ou une notification d’imposition d’office ne doivent pas être motivés d’une façon parfaitement précise, ils doivent être formulés d’une manière telle que le contribuable puisse avoir une idée suffisante des chiffres, faits et circonstances sur lesquels repose la taxation litigieuse et puisse ainsi avoir la possibilité de les réfuter. »

La Cour d’appel a conclu que « cette absence de renseignements essentiels susceptibles d’être le point de départ de pourparlers avec l’administration en vue de la fixation ultérieure des dettes fiscales vicie la motivation de la notification d’imposition d’office au point d’entraîner l’annulation des cotisations litigieuses sans préjudice d’une réimposition ultérieure. »

Cette thèse, développée par les cours et tribunaux, qui trouve un appui solide dans la législation, doit être approuvée.

En effet, dans un Etat de droit, il est indispensable que le contribuable puisse organiser sa défense, ce qui implique que, dès le début de la procédure, il soit dûment informé des arguments du taxateur.

Or, seul le respect de la formalité de l’article 346 CIR 92 permetn d’informer le contribuable de la position de l’administration fiscale et lui fournit la possibilité d’apprécier la pertinence de ses arguments qu’il pourrait reprendre dans le cadre d’une éventuelle réclamation.

La position adoptée par la jurisprudence semble peut-être sévère, mais elle est, en réalité, la seule solution possible.

Après tout, il n’incombe pas au contribuable d’essayer de reconstituer l’argumentation de l’administration que celle-ci s’est abstenue elle-même de formuler.

Auteur : Philippe GODDEVRIENDT van OYENBRUGGE

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