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Pas de requalification d’un usufruit en bail

Deux contribuables mariés avaient cédé l’usufruit de leur immeuble à la société dont l’époux était administrateur délégué et ce pour une durée de quinze ans.L’administration fiscale, se fondant sur l’article 344 § 1er, du CIR, considéra cette qualification comme lui étant inopposable. Elle requalifia l’opération en une convention de bail en invoquantune série d’éléments de fait.

D’une part, le bien immeuble était, préalablement à cette cession d’usufruit, donné en location par lesdits époux à la société. D’autre part, l’usufruit avait été valorisé sur base de l’actualisation des revenus locatifs théoriques indexés pendant la durée de l’usufruit, en retenant notamment comme paramètre le loyer initial tel que fixé par le bail commercial antérieur.

Or, selon le fisc, si le bail avait été maintenu, l’administrateur aurait été taxé conformément à l’article 32 du CIR 92 à titre de revenus professionnels. Pour rappel, lorsqu’un administrateur d’une société donne un bien immobilier bâti en location à celle-ci, les loyers sont considérés comme des rémunérations d’administrateur lorsqu’ils dépassent les 5/3 du revenu cadastral revalorisé.

L’administration constata donc qu’en cédant l’usufruit du bien immeuble à la société, le contribuable n’était plus visé par l’article 32 du CIR, évitant, ce faisant, cette taxation.

L’administration décida que cette qualification lui était inopposable et requalifia en contrat de bail la cession d’usufruit. Elle fit de même quant à la somme reçue lors de la cession de l’usufruit considérée comme le paiement anticipatif des loyers. Une taxation intervint sur ces sommes en application de l’article 32 du CIR.

En outre, l’agent taxateur calcula un avantage de toute nature consistant en intérêts fictifs sur avance de loyers payés en une seule fois et ce, pour les quinze années consécutives.

La Cour d’appel a en effet rejeté la position de l’administration fiscale dans son arrêt du 21 avril 2006.

Certes, l’article 344, 1er du CIR rend inopposable à l’administration la qualification juridique donnée par les parties à un acte lorsqu’il apparaît que cette qualification a pour but d’éviter l’impôt et que le contribuable ne démontre pas qu’elle répond à des besoins légitimes de caractère financier ou économique.

La Cour a cependant rappelé que la nouvelle qualification retenue par l’administration doit être compatible avec l’acte qui - lui - subsiste. Les effets extérieurs du contrat doivent être maintenus.

Selon la Cour, le fait que des similitudes existent entre une constitution d’usufruit et un contrat de bail n’empêche pas qu’une différence fondamentale subsiste.

L’usufruitier est titulaire d’un droit réel sur l’immeuble tandis que le locataire n’est titulaire que d’un droit de créance à l’égard du propriétaire. En outre, l’usufruit peut être hypothéqué tandis qu’un bail ne pourra jamais l’être.
La Cour a dès lors considéré que la qualification adoptée par l’administration ne respectait pas tous les effets de la convention passée par les contribuables et que partant, cette qualification devait être écartée.

Cette décision doit évidemment être favorablement accueillie puisqu’elle est une parfaite application de l’article 344, § 1er du CIR. La qualification juridique donnée aux actes peut être considérée comme étant inopposable à l’administration si - lorsque celle-ci propose une autre qualification juridique - elle respecte l’ensemble des effets extérieurs du contrat. L’acte lui-même est maintenu et ses effets externes doivent être respectés. La requalification d’une constitution d’usufruit en contrat de bail pur et simple n’est dès lors pas permise puisque, entre autre, le droit d’usufruit confère un droit réel, tandis qu’un bail confère uniquement un droit de créance.

Le choix de la voie la moins imposée demeure un des principes fondamentaux applicables en droit fiscal belge. A défaut de rapporter la preuve d’une quelconque simulation ou de requalifier l’opération critiquée en en respectant les effets extérieurs, l’administration ne peut s’opposer à l’opération effectuée par le contribuable même si le but principal est d’éviter l’impôt.

Thème : L'immobilier

Auteur : Sabrina Scarna

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