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Droit d'emphythéose: jugement pertinent

Le Tribunal de première instance de Liège a eu à connaître d'un montage assez classique dans son jugement du 20 septembre 2004. Des contribuables avaient acquis un terrain et avaient ensuite consenti un droit d'emphytéose à une société dont ils étaient par ailleurs les dirigeants. La société avait procédé à l'érection d'une villa de standing, dont une partie était mise à disposition des gérants, avec calcul d'un avantage en nature, conformément aux dispositions de l'arrêté royal d'exécution du Code. L'administration rejette les charges afférentes à ce droit d'emphytéose, à concurrence de 60 % (pourcentage d'occupation privée des lieux). Pour le fisc, la société ne parvient pas à démontrer que ces dépenses ont été faites dans un but d'acquérir ou de conserver des revenus professionnels. Il y a une disproportion entre les recettes et les charges dans le chef de la société emphytéote : le montant de la valeur de l'investissement et des frais d'entretien de la villa est sans commune mesure avec les recettes locatives qu'elle peut espérer. Pour le fisc, il est indéniable que les dirigeants de la société bénéficient de libéralités importantes, consenties par la société en dehors de son objet social. Le fisc stigmatise également le fait qu'à l'expiration du droit d'emphytéose, cette propriété reviendra aux époux bailleurs, moyennant une indemnité à fixer de commun accord entre les parties.

Dans une décision très motivée, le Tribunal de première instance de Liège écarte ce point de vue. Il constate d'abord l'existence d'un montage, mais n'en tire, bien heureusement, aucune conséquence négative, respectant par-là même, la règle, consacrée à de multiples reprises, par la Cour de cassation, du choix licite de la voie la moins imposée. Le Tribunal constate que le bâtiment appartient, pendant la durée de l'emphytéose, à la société et fait partie de son actif. Confronté à l'argument du fisc selon lequel la partie du bâtiment affectée à l'habitation n'aurait pas été acquise dans un but professionnel et ne serait pas affectée à l'exercice de l'activité de la société, le Tribunal relève que la mise à disposition d'un immeuble par un employeur n'a rien d'exceptionnel.

Cette situation a d'ailleurs été expressément envisagée par le Code des impôts sur les revenus qui fixe les règles permettant de déterminer le montant de l'avantage en nature afférent à une telle mise à disposition. Le Tribunal estime que pareille mise à disposition peut aussi s'analyser comme étant une manière de rémunérer les personnes travaillant pour une entreprise avec le bénéfice, c'est-à-dire le moindre coût que cette autre forme de rémunération peut engendrer. Pour le Tribunal, cette mise à disposition ne peut pas être considérée, en soi, comme une dépense non admise.

Si une société décide de mettre à disposition de son gérant une partie d'un bien sur lequel elle dispose d'un droit d'emphytéose, on ne peut en déduire pour autant que cette mise à disposition ne remplirait pas les conditions de l'article 49 du Code. C'est une autre manière de rémunérer le gérant, d'ailleurs expressément prévue par le Code des impôts sur les revenus.

A un moment où l'administration fait très clairement usage de la jurisprudence rendue par la Cour de cassation, à la fois en matière d'options « put and call » et en matière de droits d'emphytéose consentis par une société de médecins pour contester la déductibilité des charges, cette décision est louable.

Il faut rappeler que la Cour de cassation a considéré, dans ses différents arrêts, qu'outre la condition de finalité de la dépense (exposée en vue d'acquérir ou de conserver des revenus professionnels), il y aurait, dans l'article 49 du Code, une condition de nécessité de la dépense. Celle-ci devrait être en rapport avec l'activité professionnelle de la société telle qu'elle est définie par l'objet social.

Cette jurisprudence aboutit finalement à des conséquences extrêmement dommageables. Imaginons, par exemple, une société exploitant une menuiserie qui dispose d'excédents de trésorerie. Si elle place ces excédents de trésorerie et qu'elle expose des frais de gestion liés à ces placements, on pourrait considérer, si l'on suit cette jurisprudence, que ces frais de gestion ne sont pas déductibles même si les placements génèrent des revenus taxables dans le chef de la société. Ils ne seraient pas déductibles parce qu'ils ne sont pas en rapport avec l'activité sociale de l'entreprise.

Cette jurisprudence de la Cour de cassation est critiquable et le Tribunal de première instance de Liège le confirme de manière ferme.

Auteur : Sophie Vanhaelst

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