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Fraude fiscale et responsabilité d'administrateur

Une récente loi modifiant les lois sur les faillites peut avoir une incidence importante sur la responsabilité civile de l'administrateur de sociétés.

Elle prévoit en effet une certaine extension de la portée de la responsabilité pour "faute grave et caractérisée" notamment dans le cas de fraude fiscale.

Jusqu'à présent, la responsabilité des administrateurs et gérants de sociétés pour "faute grave et caractérisée", qui les expose à être condamnés à supporter tout ou partie de la faillite de la société, était assez rarement invoquée. La raison principale en était que seul le curateur était recevable à introduire l'action et qu'il ne le faisait pas souvent.

Désormais, et ce quelle que soit la nature des dettes en question, tout créancier peut réclamer, naturellement à concurrence de sa propre créance, la condamnation des gérants et administrateurs à supporter tout ou partie du passif de la faillite, s'il prouve d'une part, que ceux-ci ont commis une faute grave et caractérisée, et d'autre part, qu'elle a contribué à la faillite.

Il en est donc ainsi également de l'administration fiscale. Celle-ci devra démontrer que la faillite ne serait pas survenue s'il n'y avait pas eu la faute grave et caractérisée invoquée par elle, de quelle que nature qu'elle soit. Elle devra en outre évidemment démontrer cette faute grave et caractérisée.

La loi ajoute qu'est réputée faute grave et caractérisée "toute fraude fiscale grave et organisée" au sens de l'article 3, §2 de la loi du 11 janvier 1993 en matière de blanchiment. Cette présomption légale n'apporte en réalité pas grand chose de neuf. En effet, si la fraude est déjà "grave et organisée", il est peu vraisemblable que, même sans cette présomption légale on ne la considère pas comme "grave et caractérisée", l'exigence de la loi sur le blanchiment d'une "fraude organisée" étant plutôt plus précise que celle de faute "caractérisée" déjà requise en droit des sociétés. Il faudra, pour mettre en jeu la responsabilité des gérants et administrateurs, prouver, pour chacun d'eux qui serait mis à la cause, non seulement une fraude fiscale, c'est-à-dire un acte illicite commis de mauvaise foi, mais en plus établir le caractère "grave" et "organisé" de celle-ci. Le texte admet donc de manière implicite mais certaine, qu'il y a des fraudes fiscales constitutives d'infractions pénales qui ne sont pas des fautes graves et caractérisées au sens du droit des sociétés et qui n'engagent pas la responsabilité des administrateurs et gérants.

De plus, le fisc devra démontrer l'existence du lien de causalité entre cette fraude et la faillite, c'est-à-dire faire la preuve que celle-ci ne serait pas intervenue sans la fraude grave et organisée.

Or, en général, les fraudes fiscales visent à économiser des impôts et donc à faire réaliser un bénéfice, certes illicite par une société. Si la fraude est démasquée et l'impôt établi, il n'en résulte en général aucun préjudice pour la société, qui ne fait que payer ce qu'elle aurait de toute manière dû. La question des accroissements et autres amendes devient dès lors centrale dans ce débat: ils sont en effet le seul passif supplémentaire qui peut éventuellement résulter de la fraude. Ce n'est vraisemblablement que lorsque ces accroissements seront particulièrement élevés et que les impôts à eux seuls n'auraient pas entraîné la faillite, qu'on pourra justifier de l'application du nouveau texte. L'application d'accroissements impliquant une bonne foi signifiera, dans ce contexte, qu'il n'y a pas "fraude", tandis que des accroissements pour mauvaise foi impliqueront certes qu'il y a fraude, mais pas nécessairement "fraude grave et organisée".

Thierry AFSCHRIFT

Auteur : Thierry Afschrift

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