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L’arrêt de la Cour de cassation en matière de location suivie de sous-location : un coup dans l’eau

Nous nous sommes déjà souvent fait l’écho, dans ces colonnes, de la jurisprudence relative à l’intéressante construction « location suivie de sous-location » qui peut être adoptée par les personnes physiques dans le but d’optimiser de manière aisée leur situation fiscale, lorsqu’ils sont propriétaires d’un immeuble qu’ils louent à une société, par exemple à leur société professionnelle.

Chacun est gagnant dans ces structures, à l’exception du fisc, qui a toujours vu d’un très mauvais œil cette construction pourtant parfaitement légale.

Dans un premier temps, il s’y est attaqué sur base de la thèse de la simulation, et lorsque les contribuables n’avaient pas respecté les règles du jeu, il est arrivé que l’administration se voie, à bon droit, donner raison par les cours et tribunaux.

Cependant, lorsque les contribuables respectaient correctement les règles du jeu, à savoir les relations juridiques existant entre eux, l’administration se retrouvait impuissante.

Elle a alors attaqué cette construction sur base de l’article 344, §1er du code, la fameuse disposition anti-évitement, moyen de preuve tout à fait particulier qui autorise l’administration à donner à des actes ou à des opérations conclus par les parties de manière parfaitement valable, une autre qualification, exacte en droit, si la qualification choisie par les parties avait pour but d’éviter l’impôt.

L’application de cet article requiert la réunion d’une série de conditions qui le rend, dans la plupart des cas, inadéquat, malgré sa formulation large.

La cour de cassation a eu à se prononcer à plusieurs reprises au sujet de l’application de cette disposition générale anti-évitement de l’impôt.

Un arrêt de la cour de cassation prononcé en décembre 2008 a confirmé un arrêt prononcé par la cour d’appel de Liège en défaveur du contribuable ; la cour d’appel de Liège avait en effet considéré que l’article 344, §1er était applicable, dans la cause qui lui avait été soumise, à la construction de location suivie de sous-location.

La cour d’appel avait ainsi, au mépris de toutes les règles d’application de l’article 344, §1er, considéré que l’administration fiscale avait requalifié à bon droit ce mécanisme de location -sous-location en un « simple » contrat de location des lieux par le contribuable propriétaire, directement à l’exploitant, faisant ainsi purement et simplement abstraction de deux relations juridiques, celle existant entre le bailleur et le locataire principal, et celle existant entre ce dernier et le sous-locataire.

L’arrêt de la cour d’appel de Liège était éminemment critiquable : il a décidé que lorsque le fisc constate qu’un mécanisme de location – sous-location avec le concours de tierces personnes avait pour but d’éviter l’impôt ou d’en réduire la charge, il pouvait invoquer la disposition anti-évitement et requalifier les convention en un seul contrat de location.

La cour d’appel a en effet considéré que la similarité exigée en pareille circonstance entre les effets de l’opération nouvellement qualifiée et ceux de l’opération initialement qualifiée était présente, et la cour d’appel s’est bien entendu empressée d’ajouter qu’elle décidait ainsi en fonction des données de l’espèce qui lui avaient été soumises. Elle a encore ajouté qu’il était permis de considérer, toujours dans le cas d’espèce qui lui avait été soumis, que la location principale et la sous-location pouvaient être requalifiées en un seul contrat de location, tout en respectant les effets des actes.

Face à un arrêt rédigé de telle manière, la cour de cassation n’a pu que le confirmer, et ce alors que le pourvoi vilipendait la manière dont la cour d’appel avait interprété les conventions conclues, dans les faits, par les parties : la cour d’appel n’avait manifestement pas eu une lecture correcte des actes conclus entre les parties.

La Cour de cassation n’est cependant pas autorisée, en vertu de la compétence qui lui est accordée par la loi, à revenir sur les considérations de faits de la cour d’appel ; le contrôle de la cour de cassation ne s’étend pas aux faits et par conséquent, l’eût-elle voulu, elle n’aurait pu casser cet arrêt sur cette base.

Il faut s’attendre à une nouvelle vague de contestations des opérations de location suivie de sous-location, sur base de cet arrêt favorable à l’administration (puisque l’arrêt de la cour d’appel, défavorable au contribuable, ne fut pas cassé). L’administration ne manquera pas de faire savoir aux contribuables concernés que la cour de cassation a conforté sa position.

Les contribuables devront veiller à ne pas perdre de vue que cet arrêt de la cour de cassation n’ajoute en réalité rien au débat concernant l’application de l’article 344, §1er aux opérations de location suivie de sous-location, puisqu’il s’est contenté de rappeler que les juges du fond devaient vérifier l’adéquation des effets juridiques entre la qualification donnée par les parties et celle que l’administration propose de lui substituer.

Ceci avait déjà été dit et cet arrêt de la cour de cassation ne nous apprend donc rien par rapport aux arrêts antérieurs déjà prononcés sur cette question.

Il ne pourrait en tout état de cause pas être déduit de l’existence de cet arrêt de la cour de cassation que la juridiction suprême du pays condamnerait les constructions de location suivie de sous-location ; en réalité, cet arrêt, loin d’être un arrêt de principe, n’est qu’un témoignage de plus du fait que la cour de cassation, limitée par sa mission légale, ne peut vérifier ce que les cours d’appel décident en fait, et non en droit.

Thème : L'immobilier

Auteur : Severine Segier

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