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Présomptions : la comptabilité d’un tiers n’est pas un fait connu

Dans le cadre de la procédure de taxation, l’administration est autorisée par la loi à apporter la preuve de l’existence de revenus imposables de différentes manières, parmi lesquelles figure la preuve par présomption.

En se fondant sur certains éléments de fait, l’administration peut ainsi déduire, sur base d’un raisonnement qui doit être logique, qu’il existe dans le chef du contribuable des revenus imposables, par hypothèse non déclarés.

Cette appréciation, par l’administration, de la preuve par présomption est bien entendu soumise au contrôle du juge qui, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, doit vérifier d’une part si les éléments sur lesquels se fonde l’administration sont bien des faits connus susceptibles, légalement, de fonder une présomption, et d’autre part, si le raisonnement adopté par l’administration est susceptible de justification et dénué d’arbitraire.

Le point de départ de la présomption est le fait connu.

Bien souvent, on constate que l’administration considère comme un fait connu, un fait qui n’est en réalité pas certain, mais qui est simplement tenu pour avéré - par l’administration.

Or, le fait connu ne peut être qu’un fait qui ne demande pas de preuve supplémentaire de son existence ; à défaut, la taxation serait illégale, car, suivant la règle bien connue, « présomption sur présomption ne vaut».

Ainsi, l’administration ne peut fonder une présomption sur un fait dont l’existence est déjà elle-même présumée ou supposée.

Bien que ces principes soient bien établis de manière théorique, on constate souvent, en pratique, une dérive certaine dans la manière utilisée par l’administration pour appliquer la preuve par présomption, essentiellement parce que les contribuables et l’administration n’ont pas la même définition du « fait connu ».

Par exemple, il arrive très fréquemment que lors d’un contrôle de la situation fiscale d’un contribuable, l’administration découvre des éléments qui lui permettent de supposer qu’un autre contribuable, dont la situation ne fait pas l’objet du contrôle en cours. Ces éléments conduisent l’administration à faire état, auprès de ce contribuable, de la comptabilité du tiers, afin de démontrer dans le chef de celui-ci, l’existence de revenus imposables qu’il aurait omis de déclarer.

L’administration considère dans ces cas que parce qu’elles proviennent de tiers, ces données ne peuvent être contestées, et doivent se voir reconnaître une force probante telle qu’elles peuvent être considérées comme un fait connu, pour l’application de la preuve par présomption.

Dans ce cas, le contribuable se doit de contester la valeur probante des documents issus de la comptabilité d’un tiers - et ce même si, dans les faits, le contribuable n’a pas de raison particulière de douter de la bonne foi de ce tiers ou de la valeur probante de cette comptabilité.

Par principe, cette information, provenant d’un tiers, ne présente en effet pas le degré de certitude requis pour être opposée au contribuable et constituer un fait connu susceptible de fonder une présomption de manière légale.

Un élément extrait de la comptabilité d’un tiers, ou une déclaration d’un tiers, ne peut donc constituer un fait connu susceptible de fonder une présomption ; il s’agit tout au plus d’une donnée à vérifier.

Dans un cas d’espèce tranché récemment par le tribunal de première instance de Mons, il était question d’un exploitant HORECA qui s’était vu opposer par l’administration la différence entre le nombre de kilos de déchets déclarés par lui pour un exercice donné (210 kg), et le nombre de kilos de déchets dont l’enlèvement avait été facturé par une firme spécialisée (plus du double).

Cette considération se fondait sur des bons de reprise transmis par la société spécialisée dans l’enlèvement de déchets.

Dans la mesure où il s’agissait des seuls éléments présentés par l’administration pour asseoir la taxation, le tribunal a, à bon droit, annulé la taxation pour violation des règles de preuve par l’administration.

Auteur : Severine Segier

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