ours-idefisc

Idefisc — Actualités fiscales

L'effet interruptif de la prescription d'un commandement

Le 21 février 2003, la Cour de cassation a rendu un arrêt susceptible d'avoir des conséquences importantes sur la prescription d'anciennes dettes fiscales que les contribuables ont contestées.

Les faits à l'origine du litige étaient les suivants.

Le 31 décembre 1980, des cotisations avaient été établies dans le chef de contribuables personnes physiques pour les exercices d'imposition 1977 et 1978. Les intéressés avaient introduit une réclamation contre ces impositions le 22 janvier 1980, laquelle a été rejetée par une décision directoriale du 15 mars 1988. Le 30 janvier 2001, le recours introduit le 18 avril 1988 contre cette décision a également été considéré comme non fondé par la Cour d'appel d'Anvers. Les contribuables ne s'étant pas pourvus en cassation, les cotisations étaient devenues définitives. Entre-temps, le receveur avait pris certaines mesures consistant en la signification d'un commandement interruptif de la prescription (5 avril 1985), suivie d'une saisie-exécution mobilière (27 juin 1988), la signature par le contribuable d'une reconnaissance de dette et d'une renonciation au temps couru de la prescription (18 janvier 1990), la signification d'un autre commandement interruptif de la prescription (28 novembre 1994) et une saisie-arrêt conservatoire entre les mains de deux établissements bancaires (5 juin 1996).

Le 14 août 1996, le contribuable a formé opposition au commandement interruptif de prescription du 28 novembre 1994, à laquelle il a été fait droit en appel. La Cour a observé que la totalité de la cotisation avait été contestée. Il n'y avait, partant, pas d'incontestablement dû. Le Code des impôts sur les revenus prescrivant que seule la partie incontestablement due d'une dette fiscale peut être recouvrée par toutes voies d'exécution, aucune mesure d'exécution ne pouvait être prise en l'espèce, sous peine d'être déclarée nulle. Or, selon la Cour d'appel d'Anvers, la signification d'un commandement doit être vue comme un moyen d'exécution. Etant en effet le préalable obligé de la procédure d'exécution, sans lequel une telle procédure serait nulle, il fait partie de cette procédure. La Cour a ensuite refusé de suivre la thèse administrative et de reconnaître à cet acte un effet - indépendant - interruptif de prescription. Elle a estimé qu'un commandement ne pouvait être vu autrement que comme un acte d'exécution, de sorte que la dette fiscale était en l'occurrence prescrite.

Saisie par un pourvoi de l'Etat belge, la Cour de cassation a, le 21 février 2003, considéré que la Cour d'appel d'Anvers avait légalement justifié sa décision. Elle n'a pas suivi l'opinion différente adoptée par l'avocat général THIJS dans ses conclusions précédant l'arrêt de cassation, qui estimait que, puisque le commandement n'est pas nécessairement suivi d'une saisie-exécution, il n'est pas un acte d'exécution. Elle a encore rejeté la thèse de l'administration selon laquelle un commandement nul en tant que première étape de la procédure d'exécution pourrait sortir ses effets sur le plan de l'interruption de la prescription. Elle a donc conclu que la signification d'un commandement relativement à une dette fiscale contestée n'était pas valable et ne pouvait avoir pour effet d'interrompre la prescription.

Alors que la prescription est de cinq ans pour les impôts directs et les précomptes, on mesure l'intérêt d'un tel arrêt pour les contribuables dans le chef desquels des cotisations anciennes, ayant fait l'objet de contestations, tentent d'être recouvrées par des receveurs qui leur avaient fait signifier des commandements sans être attentifs à leur nature d'actes d'exécution.

Le législateur a cependant entendu réagir à cette jurisprudence et un nouvel article 443 ter du Code des impôts sur les revenus, entré en vigueur le 10 janvier 2004, prévoit désormais que toute instance en justice relative au recouvrement des impôts et des précomptes suspend le cours de la prescription. Il en va de même pour les réclamations et demandes de dégrèvement.

Dans l'exposé des motifs de la loi, il a été précisé que " conformément aux principes relatifs à l'application de la loi dans le temps, ces dispositions sont applicables aux instances en cours ". La référence aux principes relatifs à l'application de la loi dans le temps a pour conséquence que cette nouvelle disposition ne peut entrer en vigueur rétroactivement.

Elle a par contre un effet immédiat en ce sens que la loi nouvelle régit dès son entrée en vigueur les effets non encore réalisés des situations juridiques même constituées avant son entrée en vigueur. Il en résulte, à notre sens, que les procédures en cours n'ont un effet suspensif qu'à compter du 10 janvier 2004.

Par conséquent, si la prescription était acquise avant cette date (à défaut d'interruption valable), l'administration ne pourrait soutenir que la prescription était suspendue depuis l'acte introductif d'instance, et ce même si le §2 du nouvel article 443 ter prévoit que la suspension débute avec l'acte introductif. En effet, le contraire signifierait que la loi nouvelle a un effet rétroactif, quod non.

En résumé, pour les procédures intentées à partir du 10 janvier 2004, la prescription est suspendue à partir de l'acte introductif d'instance alors que, pour les procédures intentées antérieurement au 10 janvier 2004, la prescription n'est suspendue qu'à partir de cette dernière date.

Un projet de loi programme risque toutefois d'aggraver sensiblement cette situation en faisant rétroagir ses effets  et en mettant en cause des prescriptions acquises, nous y reviendrons.



Auteur : Dorothée Danthine

ours-idefisc
Idefisc — Actualités Fiscales
©2003-2020 Idefisc & Words and Wires W3validator