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Comptes courants associés: intérêts ou dividendes?

Le Tribunal de 1re Instance d'Anvers a rendu, le 25 juin 2003 dernier, une décision concernant un cas d'application de l'article 18, alinéa 1er, 4° CIR 1992 aux intérêts d'un compte courant sur lequel était inscrite une dette de la société concernée.

Les faits ayant donné lieu à cette décision étaient classiques : une société avait acheté des actions à l'un de ses administrateurs ou actionnaires. Le prix avait été partiellement payé et faisait l'objet, pour le solde, d'une inscription en compte courant. Le fisc a prétendu qu'il s'agissait d'un prêt d'argent avec pour conséquence une requalification des intérêts payés en dividendes.

Selon la société, cette créance ne pouvait pas être qualifiée de " prêt d'argent ".

Le Tribunal de 1re Instance d'Anvers a validé le point de vue du fisc et a décidé que ladite créance, inscrite en compte courant, devait être distinguée de sa " cause juridique ".

Selon le tribunal, le fait que le prix d'achat n'ait pas encore été payé et que le vendeur ne l'ait pas encore réclamé montre que le vendeur a accordé à l'acheteur - la société - des délais de paiement. Autrement dit, il lui a consenti un crédit, " ce qui équivaut en droit, en l'occurrence à un prêt d'argent ".

L'article 18, alinéa 1, 4° CIR 1992 établit un régime de requalification des intérêts en dividendes lorsqu'ils sont versés en rémunération d'avances consenties par des dirigeants d'entreprise ou des actionnaires, mais depuis l'entrée en vigueur de l'Arrêté royal du 20 décembre 1996, cet article n'est plus applicable que lorsque l'avance est consentie sous forme de " prêt d'argent représenté ou non par des titres ".

La notion de " prêt d'argent " n'étant pas définie par le Code des impôts sur les revenus, il faut s'en référer aux principes de droit civil qui dominent le droit fiscal, aussi longtemps que ce dernier n'y a pas dérogé (Cass., 9 juillet 1931, Pas., 1931, I, 218).
L'argent étant une chose consomptible, le prêt visé est le prêt de consommation et non le prêt d'usage. La notion de prêt, et plus précisément de prêt d'argent, est donc plus restrictive que la notion d'avance puisqu'elle signifie que les personnes visées par l'article 18 CIR 1992 livrent à la société une certaine somme d'argent, à charge pour cette dernière de leur restituer la même quantité d'argent.

Ainsi, un prix de vente payable à terme par la société à une personne visée à l'article 18 ne peut pas être considéré comme un prêt. En effet, ladite personne n'a pas prêté une somme d'argent à cette société ; elle lui a simplement vendu un bien qui ne lui a pas été payé directement. Le paiement des intérêts n'est en conséquence pas la rémunération du prêt mais bien une modalité de paiement du prix de vente.
Le Tribunal de 1re Instance d'Anvers a cependant estimé que la créance en compte courant existant en l'espèce devait être distinguée de sa " cause juridique ".

Ce faisant, le Tribunal semble avoir considéré que l'intention des parties avait été de consentir un crédit à la société ayant acquis les actions.

Si le Tribunal de 1re Instance d'Anvers, dans sa décision du 25 juin 2003, a commis une telle confusion, critiquable en droit, il faut se garder de considérer qu'il s'agit là d'un revirement de jurisprudence en ce sens qu'il concerne la définition du champ d'application des termes " prêt d'argent " visés par l'article 18, alinéa 2 CIR 1992.

On ne doit pas déduire de cette décision une extension du champ d'application des termes " prêt d'argent ". Le Tribunal semble avoir plutôt considéré que les parties avaient eu l'intention, dès l'origine de la mise en place des opérations, de permettre l'octroi d'un crédit par un administrateur/associé à la société.

Cependant, ces éléments, s'ils permettaient le cas échéant d'écarter la qualification adoptée par les parties, supposaient au préalable que soit le fisc ait recours à l'article 344, §1 CIR, soit à la notion de simulation. Or, le fisc n'invoquait ni l'un ni l'autre. Curieuse décision donc dans une matière où d'autres solutions existent pour rémunérer pareille dette sans tomber dans le champ d'application de l'article 18 CIR.

Mélanie DAUBE

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