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Le fisc n’aime pas la musique

Mais l’assujetti oui.

Dans un cas soumis récemment à la Cour d’appel de Bruxelles, l’administration semble avoir fait du zèle. En effet, un assujetti exerçant l’activité d’artiste peintre avait procédé à l’achat d’une installation stéréo pour un montant relativement important (2.130.000 BEF HTVA).

La chaîne stéréo avait été installée dans les locaux professionnels de l’assujetti, sans raccordement avec la partie privée de l’habitation dudit assujetti. Suite à un procès-verbal de régularisation, l’administration a décernée une contrainte d’un montant de 11.100 € ainsi qu’une amende de 1.100 €.

L’assujetti en question a été bien avisé d’introduire une opposition à contrainte.

En effet, la Cour d’appel de Bruxelles (confirmant le jugement du Tribunal de première instance de Bruxelles) a rejeté résolument l’ensemble des arguments soulevés par le fisc pour refuser la déductibilité de la T.V.A. payée sur l’acquisition de l’installation stéréo en question.

L’administration avait ainsi contesté l’existence du lien direct et immédiat entre la dépense et les opérations taxables en raison du coût important de l’installation, du déséquilibre avec les déclarations T.V.A. et de soupçons d’un raccordement privé ultérieur.

Après avoir rappelé que l’administration n’a pas à juger de l’opportunité ou de l’importance d’une dépense, la Cour a précisé que :

« A très juste titre, le premier juge a relevé que les insinuations de l’Etat belge selon lesquelles "rien n’empêcherait l’intimé de se détendre à des fins privées dans son atelier en écoutant de la musique ou de raccorder son installation à la partie privative de son habitation une fois le litige terminé", étaient en l’état, pure spéculation et sans pertinence sur le droit à déduction dans le chef de l’assujetti, sous réserve de la révision de ce droit à déduction si l’administration prouvait ultérieurement l’usage privé partiel ou total ».

Quelque peu agacée, semble-t-il, par les arguments de l’administration, la Cour a poursuivi en précisant que :

« L’on peut imaginer également les employés d’une société ou les fonctionnaires d’un ministère, rêver dans leurs bureaux ou jouer aux cartes sur leur ordinateur professionnel, ou encore une caissière de grande surface, chantonner au son de la musique diffusée en magasin, ce qui n’enlève rien cependant, au caractère professionnel des équipements des locaux qu’ils occupent dans le cadre de leur travail ».

On peut imaginer que la Cour était bien inspirée par le son de son installation stéréo lors de la rédaction de l’arrêt.

L’administration avait ensuite précisé qu’il appartenait à l’assujetti de démontrer que les biens ou services facturés sont destinés à des fins qui relèvent de son activité économique, estimant que cette démonstration n’avait pas été faite en l’espèce. Pour l’administration, seuls les pinceaux, couleurs et toiles pouvaient relever de l’activité artistique d’un artiste peintre.

La Cour a balayé les arguments de l’administration précisant que cette acquisition participait, sans conteste, à l’aménagement du lieu de travail où elle contribue à la formation d’un environnement propice à la création artistique justifiant la sophistication de l’installation litigieuse. La Cour a enfin précisé que l’administration prônait une conception particulièrement étriquée des activités artistiques.

En conclusion, s’il appartient effectivement à l’assujetti de démontrer que les biens pour lesquels il postule la déduction de la T.V.A. payée en amont sont destinés, d’une manière ou d’une autre, à l’aider à réaliser des opérations soumises à la T.V.A., l’administration ne peut être trop exigeante quant à l’existence d’un lien direct et immédiat devant exister entre l’activité dudit assujetti et la dépense exposée par ce dernier, même si elle estime que le montant de la dépense est trop important.

Auteur : Tristan Krstic

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