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Sécurité juridique et légalité de l’impôt : Jurisprudence récente

Par un important arrêt du 27 mars 1992, la Cour de cassation a décidé que « (les principes généraux de bonne administration, qui comportent le droit à la sécurité juridique) s’imposent aussi à l’administration des finances ; que le droit à la sécurité juridique implique notamment que le citoyen doit pouvoir faire confiance à ce qu’il ne peut concevoir autrement que comme étant une règle fixe de conduite et d’administration ; qu’il s’ensuit qu’en principe, les services publics sont tenus d’honorer les prévisions justifiées qu’ils ont fait naître dans le chef du citoyen ».

Elle a consacré cette solution à plusieurs reprises.

Dans le même esprit, les juridictions de fond ont confirmé que le principe de sécurité juridique permet au contribuable d’exiger de pouvoir faire confiance dans les règles fixes de conduite de l’administration fiscale, que celle-ci émette des avis, donne des accords, publie des circulaires ou fournisse de la loi une certaine interprétation.

L’on s’est toutefois posé la question de savoir si, dans l’hypothèse où les prises de position du fisc portent sur des questions de droit, le principe de sécurité juridique ne doit pas céder le pas devant celui de légalité de l’impôt.

Une réponse affirmative paraît résulter d’une certaine évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a eu, par exemple, l’occasion de préciser que « le droit à la sécurité juridique n’implique pas que le contribuable qui a conclu avec l’administration un accord faisant naître un régime contraire à des dispositions légales puisse exiger de l’administration l’application d’un tel accord, dès lors que celui-ci n’a pas pu faire naître dans son chef des prévisions justifiées ».

Autant le dire : interprétée comme ne permettant jamais au contribuable de faire confiance à la position inexacte adoptée par le fisc sur une question de droit, cette jurisprudence tend à nier pratiquement tout contenu au principe général de sécurité juridique, en matière fiscale.

Ne faut-il cependant pas considérer que les principes de bonne administration trouvent en réalité leur source dans une norme de droit international et qu’en cas de conflit entre ces principes et celui de légalité de l’impôt, ceux-là doivent l’emporter sur celui-ci, par application de la règle de primauté de la norme internationale ?

D’une façon fort convaincante, une telle thèse a été défendue en doctrine, il y a quelques années. Désormais, cette thèse trouve également appui dans plusieurs décisions de jurisprudence.

C’est le cas, au premier chef, d’une décision rendue le 14 septembre 2006 par la Cour de Justice des Communautés Européennes, dans l’affaire Elmeka.

Il ressort de cette décision que, dans le cadre de l’application du droit fiscal communautaire, les Etats membres de l’Union européenne doivent appliquer le principe de sécurité juridique – qui fait partie de l’ordre juridique communautaire – et que, dans certaines conditions, ce principe peut prévaloir sur le principe de légalité.

Le Tribunal de première instance d’Anvers a fait une récente application de cette jurisprudence, dans un jugement du 16 février 2007 consacré à l’admissibilité d’une exemption de T.V.A. illégalement octroyée.

D’après le tribunal, puisque c’est l’autorité compétente pour connaître de cette question qui a considéré pendant plusieurs années qu’une exemption de la taxe était applicable, il revient au fisc de ne pas revenir sur la situation passée et d’honorer le principe de confiance, même si l’exemption était illégale.

On relèvera par ailleurs le jugement du Tribunal de première instance de Bruxelles du 23 mai 2007, rendu cette fois en matière d’impôts sur les revenus.

Selon ce jugement, « le conflit entre le principe de la sécurité juridique et le principe constitutionnel de légalité de l’impôt ne constitue (…) pas un conflit entre un principe général de droit et une norme constitutionnelle ou légale, mais un conflit entre l’article 1er du Premier Protocole [additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales] et une norme de droit interne qui doit se résoudre en faveur de la norme conventionnelle, conformément au principe de primauté ». Toutes solutions trouvées – pour que prédomine le principe de sécurité juridique – dans des dispositions de droit international …

Reste à espérer que cette jurisprudence – qu’il faut approuver – se généralise, afin qu’en matière fiscale, notamment en ce qui concerne l’application des impôts directs, les principes de bonne administration puissent à nouveau se voir attribuer un véritable contenu et permettent au contribuable de se prévaloir des attentes que le comportement du fisc aura légitimement suscitées dans son chef, ce comportement serait-il illégal.

Olivier NEIRYNCK

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