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La Cour Constitutionnelle rappelle à l’application de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et à l’effet modérateur du principe de force majeure en matière fiscale

Par son arrêt du 24 avril 2008 (Cour Constitutionnelle nr. 72/2008, M.B., 15 mai 2008), la Cour constitutionnelle a rappelé à l’application de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l’homme ainsi qu’à la notion de force majeure, notion peu évidente en matière fiscale.

La Cour constitutionnelle devait se prononcer sur un recours en annulation dirigé contre les articles 2 à 5 et 8 à 10 de la loi du 8 décembre 2006 établissant un prélèvement visant à lutter contre la non-utilisation d’un site de production d’électricité par un producteur.

La loi en question avait pour but d'améliorer l'utilisation de la capacité de production des sites belges de production d'électricité, en favorisant l'ouverture du marché à de nouveaux acteurs.

Le recours en annulation fut rejeté par la Cour, ce qui n’empêche que l’arrêt contient quelques éléments remarquables du point de vue des principes généraux du droit fiscal.

C’est ainsi que dans son troisième moyen, dirigé contre les articles 2 à 5 et 8 à 10 de la loi attaquée, et pris de la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, la partie requérante évoquait que la combinaison des dispositions qui instaurent le prélèvement et de celles qui prévoient une dispense ou une suspension aboutissait à instaurer une vente quasi forcée, ce qui impliquait dès lors une expropriation de fait.

Dans son analyse de ce moyen, la Cour a souligné que même si le législateur fiscal dispose en la matière d'une ample marge d'appréciation, une imposition peut, effectivement, être jugée disproportionnée et porter une atteinte injustifiée au respect des biens si elle rompt le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde du droit au respect des biens.

La notion d’intérêt général étant une notion très large couvrant un champ de plus en plus vaste, il ne peut guère étonner que la Cour aboutisse à la conclusion que le prélèvement attaqué poursuivait un objectif d'intérêt général. Par la suite, la Cour a également décidé que le prélèvement ne saurait être davantage jugé disproportionné à l'objectif visé : « Non seulement, en vertu de l'article 3, alinéa 2, le prélèvement total est limité à 3 p.c. de la part du chiffre d'affaires portant sur la production que le débiteur du prélèvement a réalisé sur le marché belge de l'électricité au cours du dernier exercice clôturé, mais le redevable peut en outre échapper au prélèvement en procédant rapidement à la cession de droits réels visée par le législateur. Au demeurant, la partie requérante n'apporte aucun élément concret qui ferait apparaître que le prélèvement est de nature à affecter gravement sa marge bénéficiaire. »

Ce qui est toutefois remarquable est de constater que la Cour conclut son raisonnement en y intégrant un principe rarement envisagé en matière fiscale, à savoir l’effet modérateur de la force majeure « sur la base du principe général selon lequel la rigueur de la loi est tempérée en cas de force majeure- principe auquel la loi attaquée ne déroge ni explicitement ni tacitement- le redevable qui se trouverait dans une telle situation pourra prétendre à une dispense totale ou partielle du prélèvement. »

La notion de force majeure suppose selon la jurisprudence un événement insurmontable et imprévisible, indépendant de la volonté de l’intéressé, il est évident que le recours à ce principe impliquera un examen de fait et c’est alors au contribuable d’apporter la preuve de cette situation exceptionnelle de force majeure (Bruxelles, 5 février 1999, non-publié).

Auteur : Philippe GODDEVRIENDT van OYENBRUGGE

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