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Lorsque le principe de securite juridique s’oppose au principe de legalite

Pendant plusieurs années, un contrôleur avait admis la déduction intégrale de frais afférents à l’utilisation de véhicules, alors que la loi n’en admet la déduction qu’à concurrence de 75 % (article 66 du CIR 92).

L’administration entendait donc faire respecter le prescrit légal ; le contribuable invoquait quant à lui le droit à la sécurité juridique. L’issue du conflit était incertaine, la Cour de cassation ayant déjà eu l’occasion de décider que le droit à la sécurité juridique «n’implique pas que le contribuable qui a noué avec l’administration un accord faisant naître un régime contraire à des dispositions légales puisse exiger de l’administration l’application d’un tel accord, dès lors que celui-ci n’a pu susciter dans son chef des prévisions justifiées » (Cass., 20 novembre 2006).

Le fait que, pendant plusieurs années, l’administration ait appliqué un accord contraire à la loi, avait-il donc pu susciter des « prévisions justifiées » dans le chef du contribuable ?

Le tribunal de première instance de Bruxelles répond par l’affirmative : « la demanderesse pouvait légitimement croire, sur base des contrôles antérieurs (…) que les frais de véhicules destinés au déplacement des artistes étaient déductibles en totalité » (trib. 1ère instance Bruxelles, 9 avril 2008, inédit).

La motivation de la décision est intéressante au point de vue juridique.

L’administration faisait en effet valoir que le caractère d’ordre public du droit fiscal s’opposait en l’espèce à l’application du principe de la sécurité juridique.

Pour le tribunal, au contraire, le principe de la sécurité juridique résulte de l’article 6, §1er de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 1er du premier Protocole additionnel à cette convention.

Le conflit entre le principe de la sécurité juridique et le principe constitutionnel de légalité de l’impôt « ne constitue dès lors pas un conflit entre un principe général de droit et une norme constitutionnelle ou légale, mais un conflit entre l’article 1er du premier Protocole précité et une norme de droit interne qui doit se résoudre en faveur de la norme conventionnelle, conformément au principe de primauté » (trib. 1ère instance Bruxelles, 9 avril 2008).

Cette décision a donc le grand mérite de consacrer le principe de sécurité juridique en tant que norme de droit supérieure.

Auteur : Anne RAYET

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