ours-idefisc

Idefisc — Actualités fiscales

L’échange de renseignements entre les différentes administrations fiscales devient la règle et ce, au détriment du droit au respect de la vie privée

Le nouvel article 335 du CIR 92 introduit par la loi programme du 23 décembre 2009 stipule que :

« Toutes les administrations qui ressortissent du Service public fédéral Finances sont tenues de mettre à disposition de tous les agents dudit Service public régulièrement chargés de l’établissement ou du recouvrement des impôts tous les renseignements adéquats, pertinents et non excessifs en leur possession, qui contribuent à la poursuite de la mission de ces agents en vue de l’établissement ou du recouvrement de n’importe quel impôt établi par l’Etat.

Tout agent du Service public fédéral Finances, régulièrement chargé d’effectuer un contrôle ou une enquête, est de plein droit habilité à prendre, rechercher ou recueillir les renseignements adéquats, pertinents et non excessifs, qui contribuent à assurer l’établissement ou le recouvrement de n’importe quel autre impôt établi par l’Etat ».

Cette modification de l’article 335 du CIR 92 est lourde de conséquences en matière d’échanges de renseignements entre les différentes administrations fiscales et rend systématique la possibilité pour le contrôleur fiscal d’user de ses pouvoirs d’investigation pour contrôler un autre impôt que celui pour lequel il est chargé d’effectuer un contrôle fiscal.

Dans son ancienne version, cette disposition prévoyait la faculté pour un agent du fisc de rechercher des informations relatives à d’autres impôts que ceux visés par le contrôle fiscal sous certaines conditions seulement.

En effet, le contrôleur ne pouvait investiguer dans le champ d’autres impôts que s’il était régulièrement chargé d’un contrôle ou d’une enquête relative à l’application d’un impôt déterminé. De plus, l’extension du contrôle à un autre impôt devait impérativement concerner le contribuable faisant l’objet du contrôle initial.

La nouvelle version de l’article 335 du CIR 92 a néanmoins supprimé les conditions précitées de sorte qu’à présent, il n’est plus requis que le fonctionnaire ait été chargé d’un contrôle ou d’une enquête portant sur un impôt déterminé pour pouvoir investiguer sur d’autres impôts que celui pour lequel il est officiellement compétent.

En outre, n’importe quel agent du fisc qui procède à un contrôle fiscal pourra désormais communiquer les renseignements collectés à ses collègues des autres administrations fiscales qui pourront les utiliser pour la perception de n’importe quel autre impôt.

On remarquera également que l’alinéa premier du nouvel article 335 du CIR 92 prévoit qu’il appartient à toutes les administrations du SPF Finances de mettre à la disposition de tous ses agents tous renseignements « adéquats, pertinents et non excessifs » en leur possession pour autant qu’ils puissent contribuer à l’établissement ou au recouvrement de n’importe quel impôt.

Une circulaire du 4 juin 2010 précise aussi que cette transmission d’information peut avoir lieu de manière spontanée, automatique ou sur demande. Selon cette circulaire, la nouvelle version de l’article 335 du CIR 92 s’inscrirait ainsi dans le cadre d’une « banque de données centrale » sein du SPF Fiances.

Le nouvel article 335 du CIR 92 offre ainsi aux agents du fisc des pouvoirs d’investigation encore plus larges que sont dont ils disposaient déjà puisqu’à présent, n’importe quel fonctionnaire chargé d’un contrôle ou d’une enquête est en droit de percevoir des renseignements relatifs à n’importe quel impôt, même celui pour lequel il n’est absolument pas compétent et pourra ainsi les transmettre aux fonctionnaires des autres administrations fiscales. De plus, la nouvelle version de l’article 335 du CIR 92 tend à permettre aux différents services du fisc de s’échanger systématiquement et sans demande au préalable toutes les informations collectées.

Cette mise en place de l’échange automatique de renseignements entre les différentes administrations fiscales amène toutefois à s’interroger sur le respect par le fisc du droit au respect de la vie privée des contribuables garanti par les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 22 de la Constitution ainsi que plus particulièrement au respect de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel.

Cette loi impose en effet des conditions strictes dans le maniement des données à caractère personnel des contribuables par les administrations, dont notamment l’obligation de notification aux intéressés de l’existence de traitement de données à caractère personnel dans leur chef, le respect du principe de proportionnalité, le principe selon lequel le traitement des données doit être effectué de manière licite et loyale, qu’il ne doit être opéré que lorsqu’il est guidé par des intérêts légitimes pouvant par exemple être interprété comme l’existence de soupçons de fraude avérés dans le chef de contribuables déterminés, …

Or, il semble pour le moins douteux que la nouvelle version de l’article 335 du CIR 92 respecte bien le prescrit de cette loi en instaurant la transmission systématique et spontanée des renseignements entre les différentes administrations fiscales sans aucune condition préalable !

Auteur : Ronny Favel

ours-idefisc
Idefisc — Actualités Fiscales
©2003-2020 Idefisc & Words and Wires W3validator