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Actifs acquis à titre gratuit : l’avis de la CNC n’est pas une référence pour le droit comptable

La Cour d’appel de Bruxelles a rendu un important arrêt le 29 octobre dernier, dans une affaire relative à un actif acquis à titre gratuit par une entreprise. </p>

Le litige concernait deux opérations sur titres (achat et vente), réalisées par une société.

La première opération d’achat de 275.000 actions avait été réalisée pour un franc belge et avait été comptabilisée comme telle pour ce prix d’acquisition. L’opération de revente de 247.500 actions trois mois plus tard avait été réalisée pour un prix de 29.500.000 francs belges…

Se fondant sur l’avis n° 126/17 de la Commission des Normes Comptables, l’administration estimait pouvoir taxer la société, au moment de l’acquisition, sur l’accroissement d’actif correspondant à la juste valeur des actions. Cet avis, publié en novembre 2001, est relatif à la détermination de la valeur d’acquisition d’actifs obtenus à titre onéreux ou à titre gratuit.

L’avis en question est très controversé.

Eu égard à l'exigence d'une information financière fidèle, la Commission considère que, pour déterminer la valeur d'acquisition d'actifs obtenus à titre gratuit, il conviendrait de raisonner en termes d'accroissement de patrimoine et non en termes de coût historique, puisque celui-ci ferait en l'occurrence défaut.

L'augmentation de patrimoine réalisée à titre gratuit devrait, dans cette analyse, être évaluée à la « juste valeur », celle-ci devant être comprise comme le montant pour lequel un élément d'actif peut être négocié entre des parties indépendantes, bien informées, qui concluent une transaction de leur plein gré.

Selon la Commission, le bénéficiaire doit, au moment de l'acquisition, reconnaître un résultat à concurrence de la différence entre la valeur d’acquisition et cette « juste valeur ».

On voit tout de suite les implications fiscales de cette doctrine comptable : à suivre la Commission, l’accroissement d’actif, la « juste valeur » quand le bien est acquis à titre gratuit, constituerait un bénéfice taxable dès l’acquisition…

La Commission a certes reconnu elle-même que l’avis en question n'a pas force obligatoire.

On se souviendra cependant que le tribunal de première instance de Gand, dans l’affaire Artwork Systems, avait donné raison à l’Etat belge dans le même contexte. Le cas n’avait pu être soumis à la Cour d’appel, la société ayant transigé avec l’administration.

En 2008, le Tribunal de première instance de Bruxelles avait également rendu un jugement en la matière : dans une problématique analogue, il faisait droit à la demande du contribuable mais ne semblait pas exclure explicitement l’application en droit positif actuel de l’avis 126/17 de la Commission des normes comptables. Dans cette affaire, le contribuable semble l’avoir emporté parce que la preuve de l’élément « subjectif » exigé par la Commission des normes comptables faisait défaut.

La Cour d'appel de Bruxelles a une toute autre approche du problème.

Se basant sur l’avis de la Commission des Normes Comptables, l’administration faisait valoir que les actions acquises à titre gratuit auraient dû être actées à leur valeur réelle dans la comptabilité. Partant, la valeur réelle des biens acquis à titre gratuit pouvait, selon le fisc être taxée comme un bénéfice visé à l’article 24, § 1er du CIR 92. La Cour d’appel ne partage pas cet avis.

Elle note que de nombreux auteurs ont fait remarquer avec justesse que l’avis n° 126/17 de la Commission des Normes Comptables manquait en droit puisque, à ce jour, en l’état du droit, la législation comptable évalue les actifs lors de leur entrée dans le patrimoine à leur coût historique (les moyens qu’il a fallu céder en contrepartie pour les obtenir).

En d’autres termes, la Cour constate que « l’avis n’est donc une référence que pour un droit comptable futur, mais pas pour le droit comptable positif ».

L’enseignement de l’arrêt de la Cour d’appel est précieux : il confirme le bien-fondé des nombreux commentaires critiques formulés à l’encontre de l’avis 126/17 et de son application par l’administration fiscale.

Auteur : Pascale Hautfenne

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