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Prise en charge des pertes par un associé

Les dirigeants de sociétés peuvent, dans une certaine mesure, déduire de leurs revenus professionnels les pertes de la société qu’ils gèrent ou administrent.

L'article 53, 15° CIR limite cependant la déductibilité de telles pertes.

Depuis l'exercice d'imposition 1988, la déductibilité des pertes d'une société, prises en charge par un dirigeant d'entreprise, est subordonnée aux conditions suivantes :

  • la prise en charge des pertes de la société doit avoir été effectuée en vue de sauvegarder des revenus professionnels que le contribuable retire périodiquement de la société;
  • la prise en charge doit être réalisée par un paiement irrévocable et sans condition d'une somme d'argent;
  • la société doit avoir affecté cette somme à l'apurement de ses pertes.

Si l’on s’en réfère au commentaire administratif, les termes "sauvegarder" et "périodiquement" impliquent que le contribuable doit recueillir des revenus professionnels de la société, de manière répétitive et plus ou moins régulièrement.

La prise en charge des pertes sociales n'est cependant pas déductible lorsqu'elle n'est pas justifiée par le but de conserver des revenus professionnels. Tel est le cas par exemple, lorsque la société est liquidée ou dissoute, ou encore lorsque le contribuable n'a jamais perçu de revenus de la société.

D'après la jurisprudence récente, la condition suivant laquelle le dirigeant d'entreprise doit avoir agi dans le but de sauvegarder ses revenus professionnels, pour que les pertes sociales qu'il a supportées soient déductibles, signifie qu'il doit déjà avoir perçu des revenus de la société et que cette dernière ne doit pas être en liquidation.

Par contre, la loi n'impose pas de lien de proportionnalité entre le montant de la perte sociale prise en charge et l'importance de la participation ou des revenus obtenus de la société.

Par un arrêt du 7 octobre 2008, la Cour d’appel d’Anvers a toutefois rejeté la déductibilité, des revenus d’un dirigeant d’entreprise, d’une perte de sa société, qu’il avait prise en charge de manière irrévocable et inconditionnelle.

L’administration fiscale avait estimé que la prise en charge de cette perte ne visait aucunement à maintenir des revenus périodiques de la société, se fondant sur le fait que le montant annuel pris en charge par le dirigeant dépassait largement le montant des revenus lui ayant été versés par la société.

Avant toute autre chose, la Cour d’appel d’Anvers a précisé, par cet arrêt du 7 octobre 2008, que la différence de niveau entre le montant annuel des pertes prises en charge par le dirigeant et le montant de ses revenus professionnels ne pouvait constituer à elle seule un critère de refus ou d’admission de la déductibilité des pertes prises en charge par un dirigeant de société.

Ceci est exact. La Loi (le CIR) contient uniquement les 3 conditions visées à l’article 53, 15° CIR et en aucun cas une condition ayant trait au niveau des revenus professionnels du dirigeant.

La Cour d’appel d’Anvers a toutefois ensuite estimé qu’il lui était valablement permis d’avoir égard à cette différence de niveau dans son appréciation de la condition en vertu de laquelle la prise en charge des pertes de la société doit avoir été effectuée en vue de sauvegarder des revenus professionnels que le contribuable retire périodiquement de la société.

La Cour a, sur base d’un tel raisonnement, rejeté la déductibilité des pertes prises en charge, estimant qu’il n’existait aucune « attente raisonnable » que les revenus de la société concernée dépassent par la suite les pertes prises en charge par le dirigeant.

L’on s’étonnera toutefois d’une telle décision de la Cour d’appel.

En effet, en estimant qu’il n’existait aucune « attente raisonnable » que la société revienne à une situation financière plus saine, et en en déduisant qu’il était vain pour le contribuable de prendre en charge les pertes de cette société – avec la conséquence que la prise en charge de ces pertes par le dirigeant ne constituent alors pas des frais professionnels déductibles dans son chef

la Cour d’appel ne s’est-elle pas immiscée dans la gestion de leurs « affaires » par la société et le dirigeant ?

Or, il est acquis que les cours et tribunaux, de la même manière que l’administration fiscale, ne peuvent s’immiscer dans la gestion des entreprises.

La décision de la Cour d’appel d’Anvers semble de ce fait fort contestable.

Les dirigeants qui entendent déduire de leurs revenus professionnels des pertes de leur société qu’ils auraient pris en charge resteront toutefois attentifs à cette jurisprudence.

Auteur : Melanie Daube

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