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Prescription des dossiers fiscaux : loi du 9/7/04

Dans l'IDEFISC du mois de juillet 2004, nous décrivions l'incidence sur la prescription des dossiers fiscaux de la jurisprudence issue de l'arrêt du 21 février 2003 rendu par la Cour de cassation.

Si dans cet arrêt, la Cour de cassation a effectivement décidé que la signification d'un commandement, dans le cadre d'une dette fiscale contestée, n'était pas valable et ne pouvait avoir pour effet d'interrompre la prescription, le législateur a cependant réagi face à cette jurisprudence, inquiétante vis-à-vis de l'administration fiscale, il convient de le relever, et a adopté le nouvel article 443ter du Code des impôts sur les revenus, en vigueur depuis le 10 janvier 2004.

Cet article 443ter CIR prévoit en effet que toute instance en justice relative au recouvrement des impôts et des précomptes suspend désormais le cours de la prescription, de la même manière que le fait toute réclamation ou demande de dégrèvement. Cet article 443ter nouveau est entré en vigueur depuis le 10 janvier 2004.

Le 15 juillet 2004, est parue au Moniteur Belge une loi-programme datée du 9 juillet 2004 qui prévoit désormais, en son article 49, que le commandement en matière fiscale « doit être interprété comme constituant également un acte interruptif de prescription, même lorsque la dette d'impôts contestée n'a pas de caractère certain et liquide » (loi programme du 9 juillet 2004, M.B., 15 juillet 2004, p. 55579).

Cette loi interprétative, adoptée sur la suggestion même du Conseil d'Etat ayant indiqué que le régime mis sur pied par l'adoption de l'article 443ter était un « coup d'épée dans l'eau », devrait en conséquence permettre aux commandements signifiés par le passé d'être considérés comme ayant eu un effet interruptif de prescription, contrairement à ce qu'il découle de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation. Il convient néanmoins de s'interroger sur la validité de l'adoption d'une telle loi interprétative qui, en principe, devrait faire en sorte que la loi qu'elle tend à interpréter sera réputée avoir eu, depuis l'origine, le sens que lui confère ladite loi interprétative (Cass., 28 février 2000, F.J.F, 2000, p.333).

A cet égard, l'article 7 du Code judiciaire dispose que les juges sont tenus de se conformer aux lois interprétatives dans toutes les affaires où le point de droit n'est pas définitivement jugé au moment où ces lois deviennent obligatoires.

Il n'est cependant pas certain en l'espèce que la loi du 9 juillet 2004 puisse être qualifiée de véritable loi interprétative à laquelle pourrait s'appliquer l'article 7 du Code judiciaire.

En effet, la Cour de cassation a récemment décidé qu'une loi peut être qualifiée d'interprétative lorsqu'elle vient consacrer une solution qui aurait pu être adoptée par la jurisprudence sur un point où la règle de droit est incertaine et controversée (Cass., 17 février 2000, F.J.F., 2000/120).
Une loi interprétative ne peut en conséquence pas substituer à la loi interprétée une loi nouvelle mais uniquement en fixer le sens, tout en la laissant subsister (Cass., 20 novembre 1935, Pas., I, p.252).

Or, force est de constater que la loi-programme du 9 juillet 2004 a plus pour objet de compléter les dispositions régissant l'application de l'article 2244 du Code civil au niveau des impôts sur les revenus qu'interpréter les dispositions pertinentes en la matière, par ailleurs non visées par ladite loi interprétative.

L'on s'en référera, à cet égard, à l'amendement déposé par le gouvernement au projet de loi-programme, qui disposait que « nonobstant le fait que le commandement constitue le premier acte de poursuites directes au sens des articles 148 et 149 de l'Arrêté Royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, le commandement doit être interprété comme constituant également un acte interruptif de prescription au sens de l'article 2244 du Code civil, même lorsque la dette d'impôts contestée n'a pas de caractère certain et liquide » (Doc. Parl, chambre, 2003-2004, n°51-11138/15, p.8).

Dès lors, la loi du 9 juillet 2004 ne peut être considérée comme étant une loi interprétative, mais bien uniquement comme étant une loi rétroactive, auxquelles les règles relatives au principe de non rétroactivité ou au principe de sécurité juridique pourront être appliquées.

Dans son appréciation des normes soumises à sa censure, la Cour d'arbitrage a institué le principe de sécurité juridique en principe général de droit à valeur constitutionnelle, ce qui lui permet, en se fondant également sur le principe d'égalité visé par les articles 10 et 11 de la Constitution de sanctionner des dispositions rétroactives.

Si toute loi rétroactive n'est pas automatiquement sanctionnée, la Cour d'arbitrage n'admet cependant de dérogations que lorsqu'il existe une justification objective et raisonnable de l'application rétroactive d'une disposition et lorsque la mesure est proportionnée au but légitime poursuivi par le législateur.

Il semble qu'en l'espèce tel ne soit cependant pas le cas.

Un recours devant la Cour d'arbitrage pourrait dès lors aboutir à une annulation de l'article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004.

Mélanie DAUBE

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