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Requalification et délai extraordinaire d’imposition : suite

Nous avions commenté dans le numéro précédent un jugement qui refusait la taxation dans le délai extraordinaire d’imposition en cas de requalification (disposition anti-abus del’article 344, § 1er, CIR 92), en raison de l’absence d’infraction à la loi fiscale.C’est cette fois le concept d’élément probant qui a été examiné par la jurisprudence pour admettre le principe d’une taxation se situant hors du délai “ normal ” d’imposition en cas de requalification.

Le tribunal de première instance de Mons décide que lorsqu’une société procède à un rachat d’actions propres, c’est la date du rapport de l’ISI qui permet de constater que l’opération ne répond pas à des besoins légitimes de caractère financier ou économique, et qui constitue dès lors le point de départ du délai de douze mois permettant à l’administration d’établir l’impôt ou le supplément d’impôt après l’expiration du délai normal d’imposition.

Il s’agit de l’hypothèse où des éléments probants font apparaître que des revenus imposables n’ont pas été déclarés au cours d’une des cinq années qui précèdent celle pendant laquelle ces éléments probants sont venus à la connaissance de l’administration (Article 358, § 1er, 4°, CIR 92).

Que penser de cette décision?

Notre premier doute quant à l’application de cette disposition est relatif à la condition selon laquelle “ des revenus imposables n’ont pas été déclarés .Est-ce bien le cas en l’occurrence ? La réponse est à notre avis négative.

Pour la même raison que l’on ne peut voir une infraction fiscale en cas de requalification, on ne peut considérer que “ des revenus imposables n’ont pas été déclarés ” lorsque l’administration requalifie une opération.

A supposer (quod non) que tel soit le cas, il nous semble en toute hypothèse que les "éléments probants ” au sens de l’article 358 figuraient déjà dans la déclaration ISOC de la société et que c’est le dépôt de cette déclaration qui constituait le véritable point de départ du délai de douze mois

En effet, un élément a une force probante lorsqu’il établit par lui-même, directement et sans investigation complémentaire, l’existence de revenus non imposés. Ainsi, lorsqu’une déclaration fiscale contient en elle-même tous les éléments probants de nature à éclairer l’administration sur un redressement à intervenir en matière de TVA, c’est le dépôt de cette déclaration qui fait courir le délai de douze mois et non la date de sa vérification (Cass., 21 novembre 1991, F.J.F., n° 92/53).

En l’occurrence,compte tenu de l’attaque systématique et généralisée de tous les rachats d'actions propres, il peut selon nous être considéré que la simple déclaration ISOC concernant le rachat d’actions propres permettait à l’administration fiscale, sans investigation complémentaire, de procéder à l’enrôlement.On sait en effet que dans le cadre de la lutte acharnée contre le rachat d’actions propres, jugé “ abusif ” par l’administration, aucune réelle attention n’a jamais été prêtée aux circonstances propres à chaque dossier qui a fait l’objet d’une rectification.Dès lors, les “ éléments probants ”nécessaires à l’administration pour opérer cette rectification figuraient déjà dans la déclaration à l’ISOC, aucune mesure d’investigation complémentaire ne lui était nécessaire, puisqu’en toute occurrence, quoi qu’eût pu dire le contribuable, la taxation serait maintenue.

Ce jugement nous semble dès lors à un double titre interpréter trop largement l’article 358, § 1er, 4°, du CIR 92.

Certes, le juge donne raison au contribuable au fond en refusant la requalification, mais le jugement consacre néanmoins une application de l’article 358 CIR qui pourrait avoir des implications fâcheuses dans d’autres cas de requalification, qui, eux, ne seraient pas censurés quant au fond.

Auteur : Pascale Hautfenne

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