ours-idefisc

Idefisc — Actualités fiscales

Présomption sur présomption ne vaut

Il arrive que l’administration – cette pratique n’est toutefois pas encore généralisée – rassemble auprès de tiers des renseignements au sujet d’un contribuable déterminé en vue de l’imposition de ce dernier. Ce que lui permet, mais dans certaines limites, le Code des impôts sur les revenus (articles 322 et 323).

La manière dont procèdent les fonctionnaires, le plus souvent ceux de l’ISI, est, toutefois, la suivante :

Ils se rendent, sans délai, chez les clients, fournisseurs, … du contribuable visé et y procèdent à des demandes de renseignements verbaux, dont le contenu est consigné, soit sur le champ, soit dans les jours qui suivent, dans un procès-verbal d’audition présenté pour signature aux tiers interrogés.


Le fondement légal sur base duquel l
’administration s’arroge le droit d’interroger oralement des tiers au sujet d’un contribuable déterminé est pour le moins sujet à discussion. L’administration semble toutefois suivie sur ce point par un certain courant jurisprudentiel qui ne peut, en aucun cas, être approuvé.


Le tiers interrogé peut toujours, bien entendu, refuser de répondre sur le champ aux questions orales posées, de même qu
’il peut toujours refuser de signer un tel procès-verbal violant les droits de la défense les plus élémentaires. Le tiers interrogé peut exiger qu’il soit procédé par une demande de renseignements écrite lui laissant un délai suffisant pour répondre.

Nous savons que la force probante des renseignements ainsi obtenus, peut, dans certains cas, être combattue en soutenant, à bon droit, que l’administration a entendu procéder à une audition de témoins (articles 325 et 326 du CIR) sans en respecter les règles strictes imposées par la loi dont l’indispensable procédure contradictoire garantissant les droits de la défense.

En vertu de l’article 325 du CIR 1992, l’administration est en effet notamment obligée, lorsqu’elle entend procéder à une audition de témoins, de convoquer par lettre recommandée à la poste le contribuable visé pour qu’il assiste à l’audition du témoin.

Mais plus encore, au-delà de la procédure, même dans l’hypothèse où certains considéreraient, dans une espèce précise, qu’il ne s’agirait pas d’une véritable audition du témoin mais juste d’une demande de renseignements verbaux (ce qui est contestable), nous sommes d’avis que les renseignements oraux recueillis ne bénéficient d’aucune force probante. Lorsqu’ils sont uniquement consignés par écrit par le fonctionnaire, ils ne constituent que l’affirmation d’un fait par l’administration. Lorsque le procès verbal est signé par le tiers, ils peuvent tout au plus valoir comme simples présomptions de l’homme soumises à l’entière appréciation du juge et pouvant être librement combattues par le contribuable visé, ne fusse qu’en niant le renseignement, selon lui, inexact.

Ne s’agissant, dans ce cas, que d’une simple présomption de l’homme, et donc jamais d’un fait pouvant être considéré comme certain et exact, l’administration ne peut donc se servir des renseignements obtenus suite à l’interrogatoire, consignés ou non dans écrit signé, comme fondement de son raisonnement, pour présumer, par la suite, un autre élément comme par exemple la base imposable rectifiée du contribuable visé, puisque ce raisonnement serait fondé sur un fait inexact ou incertain. Il s’agit d’une cascade de présomptions tout à fait illégale.

Auteur : Natacha Auvertin

ours-idefisc
Idefisc — Actualités Fiscales
©2003-2020 Idefisc & Words and Wires W3validator