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Comptes KBLUX : le fisc n'a rien prouve

L'automne 1999, un nombre considérable de contribuables belges furent pris dans la tourmente KBLUX. L'administration fiscale avait reçu l'autorisation du Procureur général de consulter un dossier judiciaire ouvert à charge des dirigeants de la KREDIETBANK Luxembourg. Le dossier pénal contenait des microfiches indiquant l'identité du titulaire du compte, son adresse, sa date de naissance et une situation de compte au cours de l'année 1994, plus généralement au 31 janvier 1994 mais dans d'autres cas au mois de février 1994.

Sur cette base, l'administration envoya aux contribuables dont les noms figuraient sur ces documents un courrier recommandé annonçant son intention de mener des investigations dans le délai spécial de cinq ans institué par l'article 333, al. 3 du Code en notifiant au contribuable comme indice de fraude fiscale la titularité d'un compte étranger et l'absence de déclaration de revenus mobiliers en Belgique.

Ensuite, l'administration adressa une demande de renseignements sollicitant la production d'un relevé de tous les comptes étrangers dont étaient titulaires les contribuables, un relevé des revenus mobiliers produits par ces comptes et enfin, une situation des avoirs au 1er janvier de chaque année.

Même si la mode était à la conclusion d'accords rapides, certains contribuables ont résisté et ont soutenu que l'administration ne rapportait pas la preuve de la titularité de ce compte bancaire à l'étranger au moyen de documents probants.

Telle est la ligne de défense adoptée par un couple de pensionnés taxés d'office sur base d'une évaluation forfaitaire des revenus mobiliers étrangers dont ils auraient bénéficié (ils s'étaient en effet abstenus de répondre dans le délai à la demande de renseignements, se contentant de contester de manière assez générale la procédure suivie par l'administration fiscale).

Leur réclamation rejetée, ils ont donc défendu ce dossier devant le Tribunal de première instance de Bruxelles, Chambre néerlandophone.

La question de droit posée au Tribunal peut être résumée de la manière suivante : les microfiches du dossier KBLUX peuvent-elles être considérées comme des éléments incontestables pouvant justifier une taxation sur base de présomptions.

La preuve par présomption requiert la réunion de certaines conditions : il faut se trouver dans une matière où la preuve par témoin est admise, ce qui est le cas en matière fiscale ; elle doit se fonder sur un fait connu ; elle doit résulter d'un raisonnement dont le juge déduit l'existence d'un fait inconnu ; les présomptions doivent être précises, graves et concordantes.

En d'autres termes, le fait qui sert de base à la présomption doit nécessairement être un fait connu, ce qui suppose que l'élément dont part la déduction est lui-même prouvé. Un fait connu est un fait démontré.

Le Tribunal a jugé les microfiches dépourvues de toute force probante, étant donné que celles-ci ne comportent pas d'en-tête ni aucune référence à une banque, aucune signature ou cachet, pouvant contenir une quelconque indication quant à l'origine des documents. Il n'est pas démontré que ces microfiches concernent bien la banque KREDIETBANK Luxembourg. L'administration faisait valoir que ces informations étant tirées d'un dossier pénal, devaient être considérées comme certaines et devaient pouvoir servir de base à une taxation par présomption. Cet argument est écarté par le Tribunal de première instance. L'origine des microfiches est jugée incertaine. Le tribunal suit la jurisprudence déjà existante en matière de preuve par présomption. Ce jugement de la Chambre néerlandophone du Tribunal de première instance de Bruxelles a été suivi d'un jugement dans le même sens rendu par la Chambre francophone du même Tribunal le 4 octobre dernier.

Il s'agit évidemment de victoires importantes pour ceux qui ont soutenu que l'administration ne rapportait pas la preuve de la titularité du compte à l'étranger sur base de pareils documents. Il reste intéressant de connaître aussi l'opinion de la jurisprudence sur la légalité de l'obtention des documents produits dans ces dossiers fiscaux. Rappelons en effet que le comité P chargé d'examiner la légalité des poursuites judiciaires dans ce dossier a émis de sérieux doutes quant à celle-ci?

Adélaïde POLET

Auteur : Adélaïde Polet

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