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Plus-values sur participations et droit européen

L'article 90, 9° du CIR qualifie de "revenus divers" les plus-values réalisées par une personne physique lors de la cession, en dehors de l'exercice de son activité professionnelle, à une société non-résidente, d'une participation importante - ou qui fut importante à un moment quelconque des 5 dernières années - dans une société résidente. Ces plus-values sont imposables au taux distinct de 16,5%. Elles relèvent par contre de la gestion normale du patrimoine privé et sont à ce titre exemptées lorsque, notamment, le cessionnaire est une société belge.

La compatibilité de cette disposition avec les exigences du droit européen paraît dès l'abord fort douteuse, celle-ci opérant une distinction, sans justification légitime apparente, entre les sociétés belges et étrangères. La question n'a cependant jamais été portée devant la Cour de Justice des Communautés européennes.

Le 6 juin 2002, l'avocat général près la CJCE a présenté ses conclusions à propos d'une prescription comparable de la législation suédoise, instaurant un traitement fiscal différent en cas de cession d'actifs, le cas échéant financiers, à perte, au profit d'une SA suédoise, effectuée par un de ses actionnaires (ou un proche de celui-ci) ou en cas de cession d'actifs au bénéfice d'une personne morale étrangère - ou suédoise mais ayant des actionnaires non-résidents. Dans la première hypothèse, la cession est présumée être faite à la valeur d'acquisition et l'imposition de la plus-value latente est différée jusqu'au jour de la réalisation ultérieure des actifs par le cessionnaire. Dans la seconde hypothèse, il y a une imposition immédiate de la plus-value, égale à la différence positive entre la valeur marchande et la valeur d'acquisition. En l'espèce, X et Y entendaient céder leurs actions de X AB (société suédoise) à Z AB (société également suédoise), filiale de Y SA (société belge, ayant pour actionnaires X et Y). L'opération était donc imposable.

L'avocat général, appréciant l'existence d'une restriction à la liberté d'établissement, a dans un premier temps considéré que cette liberté n'était le cas échéant compromise que dans l'hypothèse où X et Y détenaient dans Y SA une participation suffisamment importante pour pouvoir influer lors de la prise de décision relative à l'activité de la société. En effet, la règle nationale n'est contraire à la liberté d'établissement que si elle est susceptible de dissuader les opérateurs suédois (X et Y) " d'exercer leur droit d'établissement dans un autre Etat membre en prenant des participations significatives dans des sociétés qui y seraient établies ". Dans un second temps, il a constaté que la liberté d'établissement en Suède pour les sociétés étrangères était restreinte dans la mesure où les établissements secondaires de celles-ci en Suède à qui seraient consenties des cessions d'actifs subiraient un traitement défavorable par rapport aux sociétés suédoises dont l'actionnariat est suédois.

La première justification avancée en faveur de la disposition consistait à dire que l'imposition différée ne pouvait être accordée que si la base imposable se maintenait en Suède, des revenus latents devant être taxés dans l'Etat de leur source. Ainsi, puisque l'exemption n'est plus de mise au jour de l'aliénation des actifs par la société cessionnaire, il serait impératif que cette dernière ne soit, ni directement, ni indirectement, étrangère. Toutefois, il est de jurisprudence constante que la perte de recettes fiscales ne peut suffire à justifier une mesure. Les autres justifications, relatives aux nécessités d'un contrôle fiscal et à la cohérence du système fiscal n'ont pas davantage été retenues. Selon l'avocat général, la disposition est bien contraire au Traité, restreignant une liberté fondamentale de façon excessive par rapport à ce qui est nécessaire pour atteindre son objectif.

Si la position de la Cour elle-même n'est pas encore connue, on peut d'ores et déjà observer, sur base de ces considérations, que l'article 90, 9° du CIR n'obtiendrait pas davantage la clémence de l'avocat général. La mesure est en effet une restriction à la liberté d'établissement dès lors que le cédant contractera toujours avec un cessionnaire résident. Le potentiel acheteur étranger (société) devra donc constituer une société belge pour que le vendeur daigne lui céder ses actions au même prix qu'à une société belge. Dès lors que, dans cette hypothèse, il n'y a même pas de risque de perte de matière imposable pour le fisc belge, les justifications susceptibles d'être avancées par le gouvernement belge ne seraient vraisemblablement pas plus convaincantes que celles de son homologue suédois. Il n'empêche que la disposition subsiste...?

Dorothée DANTHINE

Thème : Les plus-values

Auteur : Dorothée Danthine

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