ours-idefisc

Idefisc — Actualités fiscales

Fraude fiscale et indices de fraude fiscale ne sont pas synonymes !

Pour permettre à l’administration d’établir l’impôt, le législateur l’a dotée de pouvoirs d'investigation que l'administration peut exercer pendant un délai de trois ans, voir même pendant un délai supplémentaire de quatre ans lorsqu’il existe des « indices de fraude fiscale », mais ici uniquement à condition que « l'administration ait notifié préalablement au contribuable, par écrit et de manière précise, les indices de fraude fiscale qui existent, en ce qui le concerne, pour la période considérée » 1.

Bien que l’administration doive notifier de tels indices précis et ne puisse se contenter de vagues allégations, elle ne doit toutefois pas encore, à ce stade de la procédure, faire la preuve de l’existence d’une fraude fiscale 2.

En revanche, lorsque l’administration entend recourir au délai d’imposition prolongé de sept ans, la loi lui impose de démontrer que le contribuable a commis une infraction aux dispositions du Code des impôts sur les revenus ou des arrêtés pris pour son exécution, dans « une intention frauduleuse ou à dessein de nuire »3 . Par conséquent, lorsqu’elle entend recourir à ce délai d’imposition prolongé, l'administration doit clairement motiver les circonstances qui donnent lieu à l'application de ce délai prolongé. En particulier, elle doit apporter la preuve du fait que le contribuable a agi volontairement et sciemment, plutôt que par erreur, ignorance ou distraction.

La Cour d’appel d’Anvers s’est penchée sur cette matière dans un arrêt rendu le 05 novembre 2019 à propos d’un contribuable qui avait omis de déclarer l’existence de comptes bancaires étrangers et de revenus mobiliers. Cet arrêt est l’occasion de rappeler les contours précis de la notion d’intention frauduleuse, de même que quelques règles de procédure essentielles en matière de notification des indices de fraude fiscale.

Selon la Cour, la seule constatation que l’appelant n’a pas mentionné l’existence de comptes étrangers dans leur déclaration à l’impôt des personnes physiques ne constitue pas, en soi, un indice suffisant de fraude fiscale. De même, la Cour relève que le seul fait de ne pas avoir déclaré des revenus mobiliers ne constitue pas en soi un indice de fraude fiscale car cette omission peut être la conséquence d’une négligence, d’une ignorance ou d’une erreur commise de bonne foi.

Cependant, la Cour précise que dans certaines circonstances, la non-déclaration d’un revenu imposable peut être qualifiée d’indice suffisant de fraude fiscale, notamment lorsque les montants sont importants et significatifs, comme c’était le cas en l’espèce.

La Cour d’appel va considérer que l’administration avait bien notifié de manière précise les indices de fraude justifiant la prolongation du délai d’investigation, de sorte qu'il n'était pas question de violation de l'article 333, al. 3, du CIR92.

En revanche, la Cour rappelle que lorsque l’administration veut recourir à l’application de l’article 354 du CIR92, elle doit justifier clairement les circonstances qui donnent lieu à l'application de la période d’imposition prolongée. En particulier, elle doit démontrer en quoi consiste l'intention frauduleuse où le dessein de nuire.

Dans l’arrêt annoté, la Cour relève que l'intention frauduleuse requise ne peut être déduite du simple fait de la non-déclaration de revenus imposables, fussent-ils importants, de même que l’omission de comptes bancaires étrangers dans la déclaration fiscale ne constitue pas non plus la preuve d’une intention frauduleuse ; cette omission pouvant résulter d’une négligence ou d'une erreur de bonne foi.

Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que le fisc n'a fourni aucune preuve du fait que les revenus mobiliers n'ont pas été déclarés« dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire » 3, de sorte que le délai d’imposition prolongé ne peut trouver à s’appliquer en l’espèce. Pour cette raison, la Cour ordonne l’annulation des cotisations litigieuses puisque le fisc n’était plus dans les délais légaux pour établir une quelconque imposition.

C'est là une application conforme de la théorie des éléments générateurs en vertu de laquelle il incombe à chaque partie d'établir chacun des éléments qui justifient le droit qu'elle invoque. Conformément à cette théorie, lorsqu’une partie veut se prévaloir d’un texte de loi, il lui appartient d’établir tous les éléments générateurs de son droit ; c’est-à-dire d’établir que les conditions requises par la loi sont réunies.

L’objet de cette preuve, qui incombe en premier lieu au fisc, est d’établir l’existence d’une fraude fiscale dans le chef du contribuable. La preuve de l’élément moral de l’infraction de fraude fiscale implique que le fisc démontre que la violation de la loi ait été commise volontairement et sciemment, « dans le but de se procurer à soi-même ou à autrui un avantage illicite » ; ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

C’est ainsi, à juste titre, que la Cour a déclaré la nullité des cotisations litigieuses pour cause de prescription.


1 Art.333, al.3, CIR92.
2 Cass., 8 mai 2009, Rôle n° F.07.0113.N.
3 Art. 354 CIR92.

Auteur : Chloé Binnemans

ours-idefisc
Idefisc — Actualités Fiscales
©2003-2020 Idefisc & Words and Wires W3validator