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L’instauration, en droit fiscal belge, d’un système de consolidation fiscale

1. La loi de réforme de l’impôt des sociétés fut adoptée le 25 décembre 2017. Elle a depuis lors déjà été « corrigée » par une loi de réparation du 30 juillet 2018. Cette loi de réforme est porteuse d’un ensemble de mesures que l’on peut qualifier d’«incitants» destinés à rendre le régime belge de l’impôt des sociétés plus attractif pour les sociétés. Ces incitants sont toutefois compensés par diverses mesures de financement, qui en constituent la «contrepartie». La réforme est entrée en vigueur en 2 phases, dont la première a débuté le 1er janvier 2018, et la seconde il y a presqu’un an déjà, au 1er janvier 2019.

Au titre des «incitants» de la seconde phase, l’on trouve l’instauration d’un système de consolidation fiscale. En contrepartie de celui-ci, il faudra désormais tenir compte de l’intégration, dans le système belge de l’impôt des sociétés, d’un corps de règles « CFC » (ou « SEC »). Nous avons déjà abordé, dans une précédente édition, la teneur de ce nouveau régime dit « SEC ». Depuis lors, ce régime a par ailleurs été aménagé, ceci afin d’implémenter plus adéquatement, en droit belge, les mesures issues des directives dites « ATAD ».

La présente contribution s’attardera sur le système de la «consolidation fiscale», dont l’objectif annoncé par les autorités belges est de relever l’attractivité du régime fiscal belge pour les groupes belges et multinationaux. La mesure nouvelle permettrait à ces groupes de compenser, dans certaines circonstances, les pertes de l’année d’une société du groupe (déficitaire) avec les bénéfices d’une autre société du même groupe (bénéficiaire).

2. Le mécanisme du système est fondé sur la déduction de ce que l’on nommera désormais un « transfert intra-groupe ». On peut le décrire de la manière suivante :

  • une société bénéficiaire d’un groupe pourra déduire, fiscalement, de son bénéfice d’une période imposable, un «transfert intra-groupe» ;
  • en contrepartie, une société déficitaire du même groupe devra reprendre, dans sa déclaration fiscale à l’impôt des sociétés, ce même «transfert intra-groupe», au titre de bénéfice, de la même période imposable (réduction des pertes reportées) ;
  • la société bénéficiaire devra payer, à la société déficitaire, une indemnité, égale à l’impôt des sociétés qui aurait été dû en l’absence de déduction du « transfert intra-groupe» ;
  • le mécanisme opérera par le biais de la déclaration fiscale, mais non sur le plan comptable.

3. Le système, qui semble à priori avantageux, se révèle au final fort strict dans ses conditions de mise en application.

En premier lieu, seules certaines sociétés sont éligibles au système de consolidation fiscale. Ainsi :

  • la société bénéficiaire doit être une société résidente soumise à l’impôt des sociétés, ou encore un établissement belge d’une société étrangère soumis à l’impôt des non-résidents-sociétés ;
  • la société déficitaire doit également être une société résidente, soumise à l’impôt des sociétés, ou une société étrangère dite « éligible » (établie au sein de l’Espace Economique Européen – en réalité, il s’agira d’un établissement belge d’une société étrangère éligible, soumis à l’impôt des non -résidents sociétés) ;

Certaines catégories de sociétés sont donc exclues du système, et notamment :

  • les sociétés qui ne sont pas soumises aux règles communes de l’impôt des société (on pense ici, notamment, aux sociétés soumises aux « régime diamant », aux sociétés imposées au forfait, ou encore à certaines sociétés d’investissement) ;
  • les sociétés étrangères qui bénéficient, dans leurs pays d’établissement, d’un régime d’imposition dérogeant au droit commun (en certaines circonstances) ;
  • (plus étonnement) les sociétés qui mettent un bien immobilier, ou d’autres droits réels sur un tel bien, à la disposition d’une ou plusieurs personnes physiques qui exercent dans la société un mandat (avec extension de l’exclusion au conjoint ou aux enfants sous couvert du droit de jouissance légale).

En outre, la mesure ne s’appliquera que s’il existe un lien étroit entre la société bénéficiaire et la société déficitaire du groupe. Ce lien étroit est défini par la loi. Ainsi, la société déficitaire devra être une société :

  • qui dispose d’une participation d’au moins 90 % dans le capital de l’autre société (hypothèse de la société mère) ;
  • dont le capital est détenu à raison d’au moins 90% par l’autre société (hypothèse de la société filiale) ;
  • dont le capital est directement détenu à raison d’au moins 90% par une troisième société, qui dispose elle-même d’une participation d’au moins 90% dans le capital de l’autre société (hypothèse de sociétés sœurs).

La mesure est en conséquence limitée aux sociétés-mères, filiales, ou sœurs du contribuable, ou des établissements belges de ces sociétés. Les hypothèses de participation indirecte, d’actionnariat commun exercé par une même personne physique, ou d’une participation inférieure au seuil des 90 % seront non-éligibles au système de consolidation fiscale. Il faut que la participation soit «directe» (seules sont visées les structures de groupe dites «en râteau»).

Enfin, le lien étroit, tel que défini par la loi, devra être présent, de manière ininterrompue, durant au moins 5 périodes imposables, entre les deux sociétés concernées. Au titre d’exemple, une société constituée en 2018, et qui est présumée déficitaire, ne pourra participer au système de consolidation fiscale qu’à partir de la période imposable 2022…Il faudra encore que les périodes imposables des sociétés concernées correspondent, ce qui signifie qu’elles devront avoir les mêmes dates de début et de fin.

4. Outre qu’il est prévu comme très strict, le système se veut également très formel. Une convention devra être conclue entre les deux sociétés, déficitaire et bénéficiaire :

  • la société déficitaire devra prendre l’engagement de reprendre le « transfert intra-groupe » dans ses bénéfices de la période imposable, dans sa déclaration fiscale à l’impôt des sociétés ;
  • la société bénéficiaire devra quant à elle prendre l’engagement de payer à la société déficitaire une « compensation » (égale au supplément d’impôt qu’elle aurait subi en l’absence de « transfert intra-groupe ») ; l’on remarquera que si la compensation ne doit pas obligatoirement être libérée dans la période imposable concernée, la preuve de cette libération devra toutefois être fournie au moment où la déclaration de la société sera introduite ;
  • le montant du « transfert intra-groupe » ne pourra se rapporter qu’à une période imposable, et ne pourra en conséquence excéder la perte de la société déficitaire éprouvée dans la même période imposable ;
  • la convention sera à joindre à la déclaration fiscale à l’impôt des sociétés (ou à l’impôt des non-résidents en société) de la société bénéficiaire.

5. Le régime nouveau se veut « équilibré », parce qu’il semble préserver les droits des différentes sociétés, des actionnaires de celles-ci, ou encore de leurs créanciers, par l’absence de transfert d’actifs.

Cette absence devrait par ailleurs éviter la qualification du « transfert intra-groupe » au titre de « dividende » ou d’ « avantage anormale ou bénévole ». La neutralité du mécanisme sera assurée par la compensation de la déduction du « transfert intra-groupe » dans le chef de la société bénéficiaire, par la réduction des pertes reportées déductibles de la société déficitaire.

Enfin, la compensation sera fiscalement neutralisée par sa double qualification, au titre de « dépense non admise » dans le chef de la société qui la verse, et au titre de « revenu exonéré » dans le chef de la société qui la perçoit. Au final, la charge fiscale globale sera identique, au niveau du groupe, à celle qui aurait prévalu à défaut de mise en œuvre du système…

Le système de la consolidation, entré en vigueur au 1er janvier 2019, semble à priori intéressant. Son caractère très formaliste, couplé au fait qu’il est limité aux pertes, pour une période imposable, nous conduit cependant à craindre qu’il se révèlera vite trop restrictif. Il faudra dès lors parfois revoir la structure du groupe, afin de pouvoir en bénéficier. Cette restructuration ne pourra cependant être envisagée qu’en ayant égard au contexte fiscal global, et notamment l’ensemble es mesures « anti-abus »…

Auteur : Jonathan Chazkal

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