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Adaptation de la disposition dite « catch all » à l’impôt des non résidents : réduction bienvenue de la portée de la disposition, avec effet au 1er juillet 2016.

La partie du Code des Impôts sur les Revenus (CIR92) qui traite de la fiscalité des non-résidents contient une disposition généralement assez méconnue, que l’on a pris l’habitude de nommer, dans la pratique, la disposition « catch all » ou « filet de sécurité ». Cette disposition est insérée sous l’article 228, § 3 CIR92.

Il faut rappeler que les dispositions traitant de l’impôt des non-résidents sont assez limitées, dans leur nombre. Ce constat, examiné à lumière du principe de la légalité de l’impôt (qu’il faut interpréter dans le sens que ce qui n’est en principe pas visé par une loi d’impôt n’est en principe pas taxable) conduit à la conclusion que dans un certain nombre de cas, certains revenus d’origine belge, lorsqu’ils sont perçus par des non-résidents, ne sont pas imposables en Belgique.

Dans certaines de ces situations, la Belgique, en sa qualité d’ « Etat de la source » desdits revenus, dispose pourtant du pouvoir d’imposition sur ceux-ci. Cette situation se rencontre le plus souvent à l’effet de l’application d’une convention préventive de double imposition. Ces conventions organisent dès lors des situations, que certains considèrent comme paradoxales, dans lesquelles la Belgique dispose d’un pouvoir d’imposition sur un revenu perçu par un non-résident, mais ne peut l’exercer, parce que son droit interne ne prévoit pas la taxation, à l’impôt des non-résidents, de tel revenu (alors que la Belgique pourrait imposer les personnes physiques ou morales, de résidence belge, sur ce même revenu).

C’est ce type de situation que vise à solutionner l’article 228, § 3 CIR92. Le régime qu’il organise prévoit que des revenus qui, au sens du CIR92, ne sont pas « imposables» à l’impôt des non-résidents (parce que ces revenus, suivant le principe appliqué dans le CIR92, ne sont pas visés par l’article 228, § 1er ou § 2 CIR92, qui détermine les revenus imposables à l’impôt des non-résidents) le deviennent lorsque 3 conditions cumulatives sont présentes :

  • Il doit s’agir de revenus qui, s’ils étaient examinés à la lumière de l’impôt des personnes physiques, l’impôt des sociétés ou l’impôt des personnes morales, seraient imposables en vertu du CIR92 (les revenus qui ne sont pas imposés dans une de ces 3 catégories, ou qui en sont explicitement exonérés, ne sont dès lors pas visés par la disposition « catch all ») ;
  • Les revenus concernés doivent être de « source belge », en ce sens qu’ils doivent être « à charge » soit d’un habitant du Royaume, soit d’une société résidente, soit d’une entité étatique belge, soit encore d’un établissement stable belge d’un non résident ;
  • Il faut encore que le pouvoir d’imposition sur le revenu, précédemment identifié, soit attribué à la Belgique, en vertu d’une convention préventive de la double imposition ; lorsque pareille convention n’est pas applicable, il se peut encore que le revenu entre le « champ d’application » de l’article 228, §3 du Code des impôts sur les revenus, si le non résident ne parvient pas à prouver que le revenu est effectivement imposé dans l’Etat dont il est résident.

Si l’on revient aux travaux préparatoires de la disposition concernée, l’on apprend qu’à l’origine, celle-ci visait à assurer à la Belgique un pouvoir d’imposition effectif sur des revenus de prestations de services. L’Exposé des motifs de la législation en cause cite, par exemple, des rémunérations versées à des bénéficiaires argentins, brésiliens, guinéens, indiens, marocains, roumains, rwandais ou encore tunisiens, pour lesquelles les conventions préventives conclues par la Belgique et l’Etat de résidence des bénéficiaires attribuent le pouvoir d’imposition sur ces revenus à la Belgique. A défaut d’existence de l’article 228, §3 CIR92, ces revenus ne pourraient pas être imposés en Belgique, à défaut de disposition en droit interne le permettant.

Le gouvernement, lors de l’introduction de la disposition, avait semblé considérer que la disposition « catch all » était uniquement applicable à ce type de revenus, limitativement énumérés dans l’Exposé des motifs, et destinés à être mis à jour annuellement, dans un document intitulé « avis aux débiteurs », publié par l’administration fiscale.

La version originelle de l’article 228, § 3 CIR92 ne permettait cependant pas, du fait de sa rédaction particulièrement large, de retenir telle interprétation restrictive.

Aussi, lors de l’intégration dans le CIR92 de l’article 228,§3, les praticiens se sont interrogés quant à son applicabilité potentielle à d’autres types de revenus que ceux rémunérant des services, et notamment les revenus perçus, par des sociétés non-résidentes, sous la forme de plus-values sur actions que ces sociétés pouvaient réaliser, lors de la cession de leur participation dans une société belge (auquel cas, la Belgique reste l’« Etat de la source »).

L’on prétend souvent qu’en Belgique, les plus-values sur actions réalisées par des sociétés sont exonérées. Tel n’est plus tout-à-fait le cas puisqu’aujourd’hui, l’exonération de ces plus-values, telle qu’organisée par l’article 192 CIR92, est subordonnée à la condition que la société cédante (dans notre exemple, non-résidente) ait détenu les actions ou parts en pleine propriété pendant une période ininterrompue d’au moins 1 an. A défaut, la plus-value réalisée lors de la cession des actions sera imposée au taux de 25%, sur base de l’article 217 CIR92.

Les plus-values sur actions réalisées par des sociétés non-résidentes ne sont pas identifiées comme des revenus imposables à l’impôt des non-résidents sur base des articles 228, § 1er et 228, § 2, CIR92. L’article 223, 63, CIR92 leur est-t-il applicable, lorsque la situation est régie par une convention préventive de double imposition qui octroie à la Belgique le pouvoir d’imposition sur ce type de plus-values réalisées, en sa qualité d’ « Etat de la source » (par hypothèse, il s’agit en effet d’actions d’une société belge) ?

Une lecture stricte du texte de l’article 228, § 3 CIR92, tel qu’il avait été intégré en droit belge, semblait conduire à cette conclusion. Si les conditions nouvellement imposées pour l’exonération des plus-values sur actions réalisées par des sociétés ne sont pas remplies, la société non-résidente risquait ainsi une imposition en Belgique.

Pareil raisonnement pouvait également être développé pour ce concerne la « taxation de rattrapage » de 0,412%, applicable à l’impôt des sociétés lorsque la plus-value est immunisée en vertu de l’article 192, CIR92, mais que la société ne peut être considérée comme une « petite société » au sens du Code des sociétés.

A noter également que la disposition « catch all » s’applique en outre aux situations non conventionnelles. En cette hypothèse, le non-résident peut toutefois prouver que les revenus ont été, ou seront, imposés dans l’Etat de sa résidence. Encore faudra-t-il prouver l’imposition effective desdits revenus.

Une fois la situation considérée comme « dans le champ » de la disposition de l’article 228, §3, CIR92, la taxation sera établie par la Belgique sous la forme d’un précompte professionnel, au taux de 33%, applicable sur le montant des revenus après déduction d’un montant forfaitaire de frais égal à 50% du montant brut des revenus, soit un taux effectif de 16,5%.

Ce sont sans doute ces effets, originellement non souhaités par le législateur, mais susceptibles d’induire une source d’incertitude économique importante, qui ont conduit le législateur à modifier, avec effet rétroactif au 1er juillet 2016, le texte de la disposition « catch all » contenue sous l’article 228, § 3. Cette modification est intervenue par l’effet de la loi du 18 décembre 2016, organisant la reconnaissance et l’encadrement du crowdfunding et portant, comme souvent, des dispositions « diverses ».

A l’effet de la modification intervenue, l’article 228,§ 3, ne s’appliquera plus qu’aux seules « prestations de services », qui seront fournies à un Habitant du Royaume ou un contribuable assujetti à l’impôt des sociétés ou des personnes morales, dans la mesure où ces revenus (de prestations de services) sont imposables en Belgique, sur application d’une convention préventive de double imposition ou, lorsque telle convention ne s’applique pas, lorsque le contribuable non résident ne fournit pas la preuve que les revenus sont effectivement imposés dans l’Etat de sa résidence.

Le risque est dès lors désormais écarté de voir la disposition « catch all » s’appliquer à des plus-values sur actions de sociétés belges réalisées par des sociétés étrangères.

Auteur : Jonathan Chazkal

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