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La construction emphytéose : un abus fiscal?

Le 19 juillet 2012, l’administration fiscale a publié une circulaire afin de commenter le nouvel article 18 du C. Enr, nouvelle disposition anti-abus en matière fiscale.

Elle y établit ainsi une liste non limitative d’opérations juridiques d’une part qui ne peuvent pas, en elles-mêmes, être cataloguées comme des abus fiscaux, et d’autre part qui seront considérées comme abus fiscal par l’administration, à moins que le contribuable prouve que le choix de l’opération juridique ou de l’ensemble des opérations juridiques répond à des motifs autres que fiscaux.

L’administration fiscale range ainsi la construction emphytéose définie comme une acquisition scindée d’un bien immeuble par des sociétés liées parmi les hypothèses d’abus fiscal.

En pratique, une telle construction consiste en l’acquisition d’un droit d’emphytéose sur un immeuble par une société X et l’acquisition du droit de tréfonds de ce même immeuble par une société Y « sœur » de la société X. r peut aller jusqu’à 95 % de la valeur totale du bien. S’agissant d’un bail, la société X payera alors un droit d’enregistrement de 0,2 % de la valeur du droit d’emphytéose pouvant aller jusqu’à 95 % de la valeur totale du bien et la société Y payera quant à elle un droit d’enregistrement de 12,5 % sur la valeur peu élevée du tréfonds.

Dans sa circulaire, l’administration se contente d’affirmer que cette construction serait constitutive d’un abus fiscal, uniquement parce qu’elle porterait atteinte à l’article 44 C. Enr. établissant un droit d’enregistrement de 12.5 % sur les ventes.

L’abus fiscal implique cependant soit qu’un contribuable se place en dehors du champ d’application d’une disposition en violation des objectifs de cette disposition, soit l’obtention d’un avantage fiscal prévu par une disposition en contrariété avec les objectifs de cette disposition. Or, dans sa circulaire, l’administration ne justifie pas en quoi la construction emphytéose serait contraire aux objectifs de l’article 44 C. Enr.

A cet égard, il faut comprendre les objectifs d’une loi comme étant ce qu’elle a voulu faire, interdire, imposer ou exonérer, même si le texte de cette loi n’aboutit pas, pour quelque raison que ce soit, à ce résultat. Or, l’objectif de l’article 44 est clairement que les cessions du droit de propriété d’un bien immeuble d’une personne à une autre soient soumises au droit de vente de 12.5 %. Par ailleurs, le Code des droits d’enregistrement propose deux tarifs distincts, l’un pour les ventes et l’autre pour les constitutions de baux. Les contribuables ont le choix de poser l’un ou l’autre de ces deux actes, sans qu’on puisse raisonnablement affirmer que le champ d’application voulu de l’article 44 du Code s’applique également à des actes qui font l’objet d’une taxation distincte en vertu d’une autre disposition du même Code.

La construction fondée sur l’emphytéose visée par la circulaire administrative ne pourrait donc être considérée comme constitutive d’un abus fiscal sans, qu’à notre avis, la portée de l’article 18 du C. Enr ne soit méconnue. La position administrative est donc plus que contestable sur ce point.

La conclusion contraire pourrait néanmoins s’imposer si, dans notre exemple, la société Y cédait, dans le cadre d’un troisième acte, le tréfonds à la société X. Les trois actes accomplis successivement auraient en effet pour conséquence la cession de la pleine propriété d’un immeuble à la société X… La prudence est donc de mise.

Auteur : Marie Bentley

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