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Polémique sur l’application de la TVA aux livres numériques

Pourquoi le Luxembourg héberge-t-il les sièges européens des géants du commerce électronique, aux premiers rangs desquels Amazon, qui vend depuis mai 2011 davantage de livres numériques que de livres imprimés, et eBay, sans compter le japonais Rakuten Inc, lequel a racheté le fabricant canadien de liseuses Kobo ?

La raison est simple. En matière de commerce électronique, le Luxembourg offre les taux de TVA les plus compétitif de l’Union européenne, avec un taux standard de 15 %, un taux intermédiaire de 12 %, un taux réduit de 6 % et, surtout, un taux super réduit de 3 % sur les livres numériques.

Constatant que la notion de « livres » ne fait pas l’objet d’une interprétation unanime au sein des Etats membres de l’Union, le Luxembourg a décidé, depuis le 1er janvier 2012, d’interpréter largement ce terme, en ce sens qu’à identité de fonction, une distinction entre support physique et support numérique ne s’impose pas. Selon lui, il ne s’agirait que d’une question de neutralité.

Au début de l’année, la commissaire européenne Viviane Reding plaidait d’ailleurs également pour que l’on considère le contenu et non pas la forme dans laquelle les livres sont transférés aux citoyens européens, les règles sur la TVA devant être révisées pour faire face aux évolutions de l’internet.

En d’autres termes, à défaut de distinction légale, un livre est un livre, qu’il soit physique ou numérique. Pour le Luxembourg, les livres numériques doivent donc bénéficier du taux réduit de 3 % de TVA, au même titre que les livres traditionnels. La France a d’ailleurs agi de la même façon en décidant d’harmoniser la TVA papier et numérique à 7 %.

Les consommateurs européens peuvent s’en réjouir, à l’inverse des libraires des Etats membres pratiquant une fiscalité plus élevée, comme la Belgique ou le Royaume-Uni, où de nombreuses voix s’élèvent pour protester contre cette situation. En effet, dans l’attente de l’entrée en vigueur de la directive européenne 2008/8/CE, prévue pour le 1er janvier 2015, c’est la TVA du pays du siège du fournisseur qui s’applique, et non celle du pays du consommateur de commerce électronique.

Le 3 juillet 2012, la Commission européenne a néanmoins décidé d’ouvrir une procédure d’infraction contre le Luxembourg et contre la France, estimant les taux de TVA appliqués aux livres numériques potentiellement incompatibles avec le droit de l’Union.

Selon la Commission, le téléchargement de livres numériques, considéré comme un service fourni par voie électronique, n’est pas inclus dans la liste limitative de biens et de services, énoncés à l’annexe III de la Directive TVA, qui peuvent bénéficier d’un taux réduit de TVA.

Elle est d’avis que la situation en cours au Luxembourg et en France crée de graves distorsions de concurrence au détriment des opérateurs des autres Etats membres de l’Union dans la mesure où les achats de livres numériques se font aisément dans un autre Etat membre que celui de résidence du consommateur. Des acteurs locaux du marché du livre électronique se sont ainsi plaints de ce que certains autres acteurs aient réorganisé leurs circuits commerciaux pour bénéficier de ces taux réduits.

La Commission estime que ces dispositions pourraient ne pas être conformes au droit européen et a décidé d’envoyer aux deux Etats membres des lettres de mise en demeure. Cette première étape vise à permettre aux deux pays d’expliquer leur position. La France et le Luxembourg disposent donc d’un mois pour soumettre leurs observations. Si ces éléments ne sont pas jugés suffisants, la Commission pourrait formellement constater l’infraction et demander aux deux pays de changer leur législation via un avis motivé, deuxième étape de la procédure d’infraction.

Nul ne doute toutefois que le Luxembourg et la France défendront leurs positions avec force. En ces temps où les Etats veillent jalousement sur leurs recettes fiscales, l’affaire va certainement encore faire parler d’elle.

Nicolas THEMELIN

Thème : La TVA

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