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Commissions secrètes : être ou ne pas être… de bonne foi

Nous avons déjà abordé à plusieurs reprises la question relative à la cotisation distincte de 309 % applicable aux « commissions secrètes ».

En cette matière, les circulaires administratives se suivent sans se ressembler, et la circulaire du 1er décembre 2010, qui avait jeté un véritable pavé dans la mare des tolérances administratives en cours jusque alors, s’est vu adjoindre un nouvel addendum ce 20 juillet 2012.

La dernière circulaire en date revient à une interprétation très restrictive des cas dans lesquels les fonctionnaires peuvent encore renoncer à l’application de la cotisation distincte, sous la forme d’une tolérance administrative.

La cotisation distincte sur commissions secrètes est une sanction tellement lourde qu’elle peut présenter un caractère pénal, auquel cas les principes relatifs à l’application du droit pénal peuvent trouver application et notamment, la possibilité pour le juge de réduire la peine s’il existe des circonstances particulières – notamment la bonne foi du contribuable -, qui rendent la sanction disproportionnée par rapport à l’infraction.

C’est à ce titre que les tolérances administratives nous intéressent : non pas pour revendiquer une application faussée de la loi fiscale, mais pour servir de contrepoids à l’application parfois obtuse de la cotisation spéciale, lorsque les circonstances propres au cas d’espèce démontrent que la sanction est disproportionnée.

Le 23 décembre 2011, l’une des circulaires traitant de la question instaurait comme tolérance administrative permanente, la non-application de la cotisation distincte, si le contribuable était de bonne foi, avait commis le manquement ou l’erreur de manière volontaire, si le défaut de déclaration présentait un caractère exceptionnel, ou encore s’il constituait un manquement non significatif du contribuable, notamment par rapport au respect de ses autres obligations fiscales.

La nouvelle circulaire revient cependant sur cette tolérance en ce qui concerne la déclaration des avantages de toute nature évalués forfaitairement, en rendant ces conditions cumulatives, au lieu d’être alternatives : dorénavant, pour pouvoir faire l’objet de la tolérance, la non-déclaration des avantages forfaitaires devra résulter d’une erreur de calcul commise de bonne foi, exceptionnelle, correspondant à un faible montant, et – notons que c’est particulièrement ici que se traduit la sévérité de la circulaire dernière en date – le bénéficiaire de l’avantage (donc le salarié ou le dirigeant) devra avoir procédé à une rectification spontanée de sa déclaration fiscale.

La tolérance administrative pourrait donc être refusée à la société qui omet de déclarer un avantage de toute nature évalué forfaitairement, même si celle-ci est parfaitement de bonne foi, et que l’erreur présente un caractère tout à fait exceptionnel, parce que le bénéficiaire de cet avantage – par hypothèse, un salarié dont la société se serait séparée en mauvais termes – refuserait de déclarer spontanément la perception de cet avantage au fisc.

Cette circulaire fait donc dépendre l’application de la tolérance administrative (conduisant à une réduction de la sanction prévue par le Code, qui peut présenter un caractère pénal), de l’attitude d’un tiers, avec lequel, a priori, la société pourrait n’avoir plus aucun lien au moment du contrôle et de l’enrôlement.

Par cette pratique, l’administration crée, sans autorisation de la loi, une forme de solidarité fiscale - au sens juridique de ce terme - entre le débiteur de la rémunération, et le bénéficiaire de celle-ci, en raison des impôts à payer sur cette rémunération (qui sont bien évidemment à charge du bénéficiaire de la rémunération et non du débiteur, même si concrètement, le débiteur préfinance cet impôt, en retenant le précompte professionnel sur la rémunération, et agit ainsi en tant que gardien des intérêts de l’Etat).

Une telle solidarité pour le paiement de l’impôt d’un tiers existe en matière fiscale ; on pense aux notaires instrumentant un acte, pour le paiement des droits d’enregistrement ; au cessionnaire d’un fonds de commerce, pour les dettes fiscales du cédant relatives à ce fonds ; ou encore à la solidarité entre époux ou entre cohéritiers, pour les dettes fiscales de chacun.

Ce type de solidarité-ci ne ressortit toutefois pas de la loi, et n’est pas autorisée par celle-ci.

Il faut par conséquent plaider, au final, pour une réécriture de l’article 219, de manière telle qu’il ne soit plus nécessaire d’accorder, selon le bon vouloir de l’administration, des tolérances à certains contribuables, ou bien que cette cotisation distincte bascule explicitement dans le champ d’application des dispositions pénales du Code, ce qui permettra donc – légalement cette fois - l’évaluation au cas par cas, et en fonction de la situation concrète de chacun des contribuables concernés, de la sanction à appliquer à l’infraction commise.

Auteur : Severine Segier

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