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Conditions à la déductibilité des frais payés à des sociétés établies dans des paradis fiscaux

Le point 10° de l’article 198 du CIR 92, introduit par la loi-programme du 23 décembre 2009, impose aux contribuables assujettis à l’impôt des sociétés ou à l’impôt des non-résidents/société de déclarer tout paiement atteignant le montant de 100.000 EUR minimum lorsqu’il est effectué directement ou indirectement au profit de personnes établies dans des paradis fiscaux.

Une fois cette déclaration établie, le contribuable visé par cette disposition devra encore prouver, par toutes les voies du droit, que les paiements ainsi effectués entrent « dans le cadre d’opérations réelles et sincères » et ont lieu « avec des personnes autres que des constructions artificielles » (article 198, 10°du CIR 92).

A défaut de pouvoir apporter une telle preuve, lesdites dépenses ne seront non seulement pas déductibles mais en outre, la cotisation distincte de 309% prévue à l’article 219 du CIR 92 risquera d’être appliquée.

La lettre de l’article 198. 10° laisse toutefois à désirer et l’interprétation qui en découle semble pour le moins contestable.

En effet, les termes « constructions artificielles » semblent devoir être compris comme des opérations qui sont réalisées dans le seul but d’éluder l’impôt sans qu’elles ne soient assorties d’aucun motif économique légitime.

Quant aux termes « paradis fiscal » il faut comprendre tous les pays considérés par le Forum mondial de l’OCDE comme n’ayant pas mis en œuvre de manière suffisamment substantielle et effective le standard OCDE relatif à la transparence ou à l’échange d’information. Sont également visés, les pays présentant une fiscalité notablement plus avantageuse que celle pratiquée en Belgique, à savoir, les Etats dont le taux nominal à l’impôt des sociétés est inférieur à 10%.

On remarquera par ailleurs que l’introduction du point 10° à l’article 198 du CIR 92 conduit en réalité à renverser la charge de la preuve et à créer une distinction, selon que le contribuable qui procède à des paiements à des personnes établies dans des paradis fiscaux soit une société ou une personne physique.

En effet, en vertu de l’article 54 du CIR 92, les personnes physiques qui engagent de tels frais ne sont tenues à aucune déclaration préalable et ne doivent nullement prouver la légitimité économique des opérations qu’elles réalisent en vue d’obtenir la déduction des dépenses qui y sont afférentes. Par contre, en cas de rejet de la déduction de ces dépenses, la personne physique devra alors établir que lesdites opérations répondent bien à des opérations réelles et sincères, et qu’en plus, elles ne dépassent pas les limites normales (article 54 CIR 92).

Cette condition de normalité, ou plutôt de hauteur des dépenses, fait pour sa part défaut à l’article 198. 10° du CIR 92.

Ainsi, si la charge de la preuve est renversée à l’article 198. 10° par rapport à ce qui est prévu à l’article 54 du CIR 92, il y a lieu en revanche de constater que dès lors qu’une société peut démontrer que les paiements qu’elle effectue au profit de personnes établies dans des paradis fiscaux répondent à des besoins économiques réels et sincères, ceux-ci seront déductibles, peu importe que leur montant soit excessif ou non, contrairement à ce que prévoit l’article 54 du CIR 92 pour les personnes physiques.

En ce sens, la déduction des frais payés à des personnes établies dans des paradis fiscaux semble, d’une certaine manière, s’avérer être plus favorable pour les sociétés que pour les personnes physiques…

Auteur : Ronny Favel

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