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Péril pour les droits du trésor : motivation obligatoire

Dans une affaire soumise à la Cour d’appel d’Anvers à l’occasion d’un arrêt du 23 juin 2009, l’administration fiscale avait fait usage de la possibilité d’établir l’impôt sans attendre l’expiration du délai d’un mois laissé par les articles 346 et 351 CIR au contribuable pour faire valoir ses observations à la réception d’un avis de rectification.

En effet, l’article 346 CIR précise que lorsque l'administration estime devoir rectifier les revenus et les autres éléments que le contribuable a mentionnés dans une déclaration, elle fait connaître à celui-ci les revenus et les autres éléments qu'elle se propose de substituer à ceux qui ont été déclarés ou admis par écrit en indiquant les motifs qui lui paraissent justifier la rectification. En ce cas, un délai d'un mois à compter de l'envoi de cet avis est laissé au contribuable pour faire valoir ses observations par écrit, la cotisation ne pouvant être établie avant l'expiration de ce délai éventuellement prolongé, sauf si le contribuable a marqué son accord par écrit sur la rectification de sa déclaration ou si les droits du Trésor sont en péril pour une cause autre que l'expiration des délais d'imposition.

Par ailleurs, en vertu de l’article 351 CIR, avant de procéder à la taxation d'office, l'administration notifie au contribuable, par lettre recommandée à la poste, les motifs du recours à cette procédure, le montant des revenus et les autres éléments sur lesquels la taxation sera basée ainsi que le mode de détermination de ces revenus et éléments. Cet article dispose de plus que, sauf si les droits du Trésor sont en péril pour une cause autre que l'expiration des délais d'imposition, un délai d'un mois à compter de l'envoi de cette notification est laissé au contribuable pour faire valoir ses observations par écrit et la cotisation ne peut être établie avant l'expiration de ce délai.

Les faits soumis à la Cour d’appel concernaient des cotisations établies à l’issue d’une procédure de rectification et d’imposition d’office de revenus non déclarés par le contribuable, mise en œuvre dans le délai étendu visé par l’article 354 CIR (en l’espèce, le délai de 3 ans).

Dans ce contexte, les avis de rectification et d’imposition d’office avaient été envoyés en date du 8 juillet 2002, et la cotisation avait été déclarée exécutoire en date du 29 juillet 2002. L’administration fiscale avait de plus écrit à la contribuable, une société, le 2 août 2002, lui signalant que les cotisations seraient établies sans attendre le délai de réponse visé par les articles 346 et 351 CIR, avançant que les droits du Trésor public étaient en péril, pour une cause autre que l’expiration du délai d’imposition.

L’administration fiscale motivait son propos en précisant qu’elle avait été avertie de l’intention de la gérante de la contribuable de se défaire d’un bien immobilier, et de transférer ensuite tous les fonds issus de la cession au Portugal.

En réalité, et comme ne pouvait que le constater la Cour d’appel d’Anvers, cette motivation aurait dû apparaître avant l’établissement de l’impôt, et non après celui-ci. En d’autres termes, si l’administration entendait ne pas respecter le délai de réponse de un mois laissé à la contribuable afin de réagir à un avis de rectification ou à un avis d’imposition d’office, elle aurait dû en faire état, et motiver sa décision, préalablement à l’établissement de la cotisation, et en l’occurrence préalablement à la date du 29 juillet 2002.

Or, dans l’affaire concernée, ce n’est que le 2 août 2002, soit après l’établissement de la cotisation, que l’administration fiscale a averti la contribuable que le délai d’un mois visé aux articles 351 et 346 CIR ne serait pas respecté, ne permettant de la sorte pas à la contribuable d’être avisée des motifs invoqués par l’administration fiscale afin de ne pas respecter le délai de réponse précité.

Comme le précise à juste titre la Cour d’appel d’Anvers, la décision de ne pas respecter le délai de réponse visé aux articles 351 et 346 CIR doit être expressément motivée, s’agissant d’un acte administratif soumis à l’obligation de motivation prévue par la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs. Il est admis que cette motivation puisse apparaître dans le corps de l’avis de rectification ou de l’avis de taxation d’office lui-même.

Cette obligation implique que la décision de ne pas respecter le délai de réponse de un mois soit motivée et communiquée au contribuable préalablement à l’établissement de la cotisation, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce.

Cette décision de la Cour d’appel ne peut qu’être approuvée. En effet, il est évident qu’en l’espèce, la chronologie des faits et de la procédure administrative révèle qu’il était impossible, dans le chef de la contribuable, d’avoir ou de pouvoir avoir connaissance, avant l’établissement de l’impôt, et l’expiration du délai de réponse à l’avis de rectification et à l’avis d’imposition d’office lui permettant de faire valoir ses observations à l’encontre de la cotisation qu’il est proposé d’établir à son encontre, des motifs de l’abréviation de ce délai de réponse.

Il y va d’une violation des droits de la défense de la contribuable, et des règles de la procédure administrative, dont certaines ont justement pour objectif d’assurer le respect de ces droits de la défense.

Qui plus est, la Cour d’appel d’Anvers a relevé que la motivation avancée ne concernait même pas la contribuable mais bien la gérante de celle-ci, et particulièrement l’intention de celle-ci de procéder à la cession d’un bien immobilier lui appartenant…

C’est donc en toute logique que la Cour d’appel a constaté la nullité des cotisations lui étant soumises.

Auteur : Melanie Daube

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