ours-idefisc

Idefisc — Actualités fiscales

L’abolition du secret bancaire au mépris du droit au respect de la vie privée des contribuables ?

Pour le gouvernement belge, le secret bancaire « constitue un véritable obstacle à une lutte efficace contre la fraude fiscale ». Ainsi, afin de lutter plus efficacement contre cette fraude, plusieurs propositions de loi ont été introduites afin de limiter, encore davantage, le secret bancaire belge.

L’une de ces propositions vise à imposer aux établissements financiers l’obligation de communiquer à l’administration fiscale, une fois l’an, une liste reprenant l’ensemble des comptes ouverts, ou l’ayant été, au cours de l’année précédente. Cette liste devrait mentionner l’identité complète du ou des titulaire(s) ou ancien(s) titulaire(s) du compte ; l’identifiant complet du compte et l’identité complète du ou des mandataires(s), ou ancien(s) mandataire(s).

Dans son avis publié le 5 janvier 2010, le Conseil d’Etat a toutefois estimé que, dans la mesure où elle concerne tous les comptes sans distinction, donc également ceux dont ni le titulaire, ni le mandataire, ni le bénéficiaire ne sont des contribuables soumis au droit belge, cette proposition est disproportionnée par rapport but qu’elle poursuit. Cette proposition porte donc atteinte aux droits garantis par l’article 22 de la Constitution et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en matière de respect de la vie privée et familiale.

Par ailleurs, deux propositions visent à permettre à l’administration fiscale de relever dans les comptes, livres et documents d’un établissement financier, les renseignements permettant de déterminer les impôts dus par un contribuable, lorsqu’elle dispose d’un ou de plusieurs indices que des revenus n’ont pas été déclarés.

La demande d’information auprès d’une institution financière serait toutefois subordonnée au respect de deux conditions. D’une part, l’administration devrait disposer d’indices d’infraction aux dispositions du Code des impôts sur les revenus et, d’autre part, une décision du fonctionnaire désigné par le ministre des Finances devrait être prise en ce sens.

Le conseil d’Etat considère, à tort, selon nous, que le contenu de ces propositions de loi respecte le droit des contribuables au respect de leur vie privée compte tenu du fait que tant la proposition de loi que le droit en vigueur offrent suffisamment de garanties pour empêcher qu’il soit excessivement porté atteinte à la vie privée et familiale.

Les propositions de loi envisagent en effet de permettre aux contribuables de contester les indices sur la base desquels l’administration fonderait sa demande de renseignements. L’administration fiscale serait tenue d’informer les contribuables qu’elle a recueillis, auprès d’un établissement de crédit, des renseignements les concernant et des indices sur lesquels cette demande se fonde. Cette notification devrait être adressée au contribuable au plus tard dans le mois suivant celui au cours duquel les renseignements ont été demandés.

Il faut toutefois remarquer que cette notification, et les réclamations qui en découleraient, risquent de rester vaines dès lors que ce n’est qu’a posteriori, c'est-à-dire après que la demande de renseignements ait été adressée aux institutions financières, que le contribuable aura la possibilité de contester la demande de l’administration. Le mal sera donc fait. La position du Conseil d’Etat ne peut donc être approuvée.

Par ailleurs, on constate qu’en vertu de ces propositions, l’administration fiscale serait en droit, sans que cela ne puisse être utilement contesté, de demander n’importe quelle information aux banques, y compris celles qui ne seraient pas en lien avec la prétendue infraction reprochées au contribuable.

La prérogative qu’aurait l’administration de prendre connaissance, sans restriction, de toutes les données bancaires, porte ainsi selon nous atteinte de manière disproportionnée au droit des contribuables au respect de leur vie privée, notamment dans des cas où un contribuable a commis une simple erreur dans sa déclaration ou encore si seule une divergence de point de vue, par exemple, en ce qui concerne le caractère déductible de certaines dépenses, est à l’origine de la demande de l’administration. Dans ces hypothèses, en effet il n’existe aucune intention frauduleuse. Or, le but des propositions en l’espèce est précisément de limiter de secret bancaire afin de lutter contre la fraude fiscale.

En rendant un avis positif sans se prononcer sur ces questions, le Conseil d’Etat aurait-il été un peu vite en besogne ?

Thème : Le secret bancaire

Auteur : Marie Bentley

ours-idefisc
Idefisc — Actualités Fiscales
©2003-2020 Idefisc & Words and Wires W3validator