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MIFID: la prochaine source de renseignement du fisc ?

Une directive européenne MIFID, datant de 2004, mais qui entre en vigueur à présent, pourrait se révéler être une des principales sources de renseignements de l’administration fiscale pour débusquer des capitaux dont elle ne connaissait pas l’existence.

Cette directive, qui a comme objectif principal d’organiser des systèmes d’agrément des intermédiaires financiers, et de protéger les épargnants envers ceux-ci, prévoit qu’un organisme chargé de conseils en investissement ou de services de gestion de portefeuilles, doit se procurer « les informations nécessaires concernant les connaissances et l’expérience du client … en matière d’investissement en rapport avec le type spécifique de produit ou de service, sa situation financière et les objectifs d’investissement ».

En vertu de ce texte, les banques et autres organismes de gestion de fortune demandent à leurs clients de compléter des formulaires assez exhaustifs, portant notamment sur l’importance du patrimoine de ceux-ci.

Cette attitude peut paraître a priori logique, dans la mesure où un gestionnaire de fortune, pour être valablement informé, doit avoir une idée de l’importance du patrimoine de son client, dans son ensemble.

Les clients des gestionnaires en question ont toutefois intérêt à vérifier l’utilisation qui peut être faite de telles données, avant de les communiquer.

En effet, il n’est pas du tout acquis que les renseignements obtenus par des banques, dans des pays qui, comme la Belgique, ne connaissent pas un secret bancaire bien protégé, resteront toujours confidentiels.

Juridiquement, le document signé par le client représente une reconnaissance de sa situation financière au moment où il l’a signé. De telles données seront vraisemblablement stockées de manière informatique par les banques, pour définir un « profil » de leurs clients.

Dans tous les cas où une banque peut être interrogée par l’administration fiscale à propos d’un client déterminé, elle risque de se trouver obligée de communiquer ce profil, et même la déclaration signée par le client.

Le secret bancaire fiscal, en Belgique, ne vaut qu’en matière d’impôts sur les revenus. Il ne s’applique pas en cas d’enquête portant sur la taxe sur la valeur ajoutée ou, notamment, en matière de droits de succession. Dans cette matière, le fisc peut même demander des renseignements aux banques sur toutes les opérations réalisées au cours des trois années précédant le décès. Dans le cas où un questionnaire a été remis à l’administration fiscale pendant cette période, ou même si un profil a été établi ou modifié pendant cette période, il existe un risque important que la banque doive communiquer ces données à l’administration. Dans ce cas, en cas de décès dans les trois ans suivant la signature du formulaire ou l’établissement du profil, le fisc pourra obtenir ces données et connaître la consistance déclarée du patrimoine du contribuable. Bien plus, il appartiendra aux héritiers de démontrer que les biens ainsi reconnus par le contribuable ont quitté son patrimoine avant le décès, ce qui s’avère souvent très difficile.

Même en matière d’impôts sur les revenus, le secret bancaire actuellement protégé ne l’est que dans des limites assez restreintes. Il ne vaut plus dès que la réclamation est introduite. Il ne s’applique plus également dès que l’administration considère que des mécanismes particuliers ont été utilisés en vue d’éluder l’impôt.

Or, en matière de preuve, l’article 341 du Code des impôts sur les revenus, permet à l’administration d’imposer, sur base « indiciaire » les contribuables en fonction de tous signes ou indices d’aisance révélés au cours d’un exercice imposable. La jurisprudence considère habituellement que le seul fait de détenir un capital au cours de l’exercice permet à l’administration de présumer que ce capital provient de revenus imposables, sauf preuve contraire à produire par le contribuable.

En d’autres termes, si un contribuable répond, par exemple dans un formulaire qui lui est adressé par sa banque en vertu de la directive européenne MIFID, qu’il possède un capital déterminé, l’administration pourra présumer, si elle en a connaissance, que ce capital provient de revenus imposables de cet exercice, sauf si le contribuable prouve le contraire.

Les contribuables qui remplissent un formulaire de ce type, risquent donc, si celui-ci se retrouve entre les mains de l’administration fiscale avant l’expiration des délais d’établissement de l’impôt, de devoir démontrer l’origine de ces fonds, à peine d’être imposé sur la totalité de leur montant, à titre de revenus « d’origine indéterminée » au cours du même exercice.

En pratique, l’imposition peut souvent aboutir, au total, a près de 100 % du montant du capital en question.

Il y a donc un risque important, pour tout client d’une banque qui remplit un formulaire MIFID, à mentionner le montant exact de ses capitaux, autres que ceux se trouvant dans la banque en question, s’il n’est pas en mesure d’en justifier l’origine non imposable.

La situation est particulièrement préoccupante pour des contribuables qui choisiraient de déclarer ainsi, des avoirs se trouvant dans des banques étrangères, des titres au porteur non encore convertis, des participations dans des sociétés ou d’autres entités juridiques étrangères, des contrats d’assurance vie, ou des sommes héritées depuis moins de 10 ans et 5 mois. Le même risque se présente pour leurs héritiers, qui ne déclareraient pas exactement la succession.

Le contribuable qui n’est pas en mesure de fournir une telle preuve contraire (ce qui ne suppose pas nécessairement qu’il s’agit d’un fraudeur), doit dès lors bien évaluer son risque avant de remplir un tel formulaire.

Aucune sanction pénale ou fiscale n’est prévue à charge du client d’une banque qui ne remplirait pas exactement un tel formulaire, même s’il donne à sa banque des renseignements inexacts.

La seule sanction qu’il encourt est que la banque n’assume plus la même responsabilité pour les conseils qu’elle lui donne. En pratique, cela suppose que la banque établisse que le patrimoine du contribuable est plus important, ou tout simplement différent de celui qu’il lui a déclaré.

Pour la plupart des contribuables, le risque de faire une déclaration exacte est dès lors beaucoup plus important que celui de refuser certains renseignements ou de ne pas donner ceux-ci avec exactitude.

On ne peut exclure qu’à terme, la directive MIFID fournisse à l’administration fiscale une banque de données importante dans le cadre de sa « documentation patrimoniale ». Ceux qui croient que le fisc hésitera à utiliser de tels renseignements, demandés en principe pour protéger les épargnants, trouveront la preuve du contraire dans l’attitude de l’administration fiscale en matière de taxe sur les opérations de Bourse. Celle-ci n’a pas hésité à envoyer des milliers de demandes de renseignements aux contribuables qui lui avaient simplement demandé le remboursement d’une taxe sur les opérations de Bourse perçues illégalement par le fisc belge, en contravention de la législation européenne.

Auteur : Thierry Afschrift

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