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Recouvrement à charge de conjoints séparés de fait : la loi-programme du 27 avril 2007 consacre un véritable retour en arrière !

La Loi-programme du 27 avril 2007 a modifié l’article 393 du CIR 1992, en étendant – à nouveau - les possibilités de recouvrement de l’administration fiscale à l’encontre de personnes n’étant pas reprises au rôle, mais étant toutefois considérées comme redevables de l’impôt, sur base du droit commun ou des dispositions du Code des Impôts sur les Revenus.

La mesure vise, principalement, les époux séparés de fait.

En effet, les receveurs des contributions directes menacent souvent de nombreux conjoints séparés de fait de recouvrer sur leurs biens les dettes fiscales de leurs ex-conjoints.

Il faut rappeler que, sur base d’une jurisprudence établie de longue date, le rôle est considéré comme étant le titre exécutoire pour recouvrer les impôts sur les revenus.

Le receveur doit dès lors détenir un titre exécutoire (sous forme de rôle) à l’encontre du conjoint qu’il veut poursuivre, même pour le paiement d’une dette d’impôt relative à son ex-conjoint, dont il est séparé de fait.

Avant la modification introduite par la Loi-programme du 27 avril 2007, le Code prévoyait que l’impôt enrôlé au nom de plusieurs personnes ne pouvait être recouvré à charge de chacune d’elles que pour la quotité afférente à ses revenus et que le rôle était exécutoire contre chacune d’elles dans la mesure où la cotisation pouvait être recouvrée à sa charge, en vertu du droit commun et des dispositions du Code.

L’on a, de longue date, déduit de cet article que chaque époux ne pourrait être poursuivi que pour le paiement de la quotité afférente aux revenus qu’il a lui-même perçus, même si ce principe a fait l’objet de nombreuses discussions et décisions de jurisprudence.

Suite à diverses modifications législatives, souvent motivées par la volonté de mettre un terme à des situations souvent inhumaines, et profondément injustes à l’égard du conjoint séparé de fait qui se voyait réclamer le paiement des dettes fiscales de son ex-conjoint, le Code des Impôts sur les Revenus comprend aujourd’hui certaines limitations expresses des possibilités de recouvrement, par le receveur, de l’impôt relatif au revenu imposable de l’un des conjoints sur les biens propres de l’autre conjoint, et ce, quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux (par exemple, pour les biens propres antérieurs, etc)

En cas de séparation de fait des conjoints, le Code précise en outre que l’impôt afférent aux revenus que l’un des conjoints aura perçus à partir de la deuxième année civile suivant celle de la séparation de fait ne peut plus être recouvré sur les revenus de l’autre conjoint, ni sur les biens que celui-ci aura acquis au moyen de ces revenus.

Face à ces modifications, on a, à juste titre, estimé, que la force exécutoire du titre, concrétisée par le rôle, est limitée, en matière d’impôt sur les revenus, à la personne au nom duquel ce titre est établi.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 septembre 2003, a pourtant décidé que « la cotisation régulièrement établie au nom d’un époux et portée au rôle rendu exécutoire constitue le titre qui permet à l’administration d’exiger le paiement de cette cotisation et de procéder à son recouvrement sur les biens du conjoint qui n’a pas été repris au rôle »

Prétextant une mise en conformité du Code avec ce qu’il considère comme étant la position de la Cour de cassation en la matière, le gouvernement a fait voter, sous le couvert de l’urgence, une modification radicale des principes précités puisque le Code prévoit désormais – à nouveau pourrait-on être tenté de dire – que le rôle est exécutoire contre les personnes qui n’y sont pas reprises dans la mesure où elles sont tenues au paiement de la dette fiscale sur la base du droit commun ou sur la base des dispositions du présent Code.

Ce raisonnement est contestable, tout d’abord, parce que l’arrêt invoqué vise une situation soumise aux anciennes dispositions du Code – ce qui signifie très clairement que la Cour de cassation n’a pas entendu s’écarter des principes exposés plus haut – et ensuite, parce que la possibilité de recouvrement sur les biens d’un conjoint séparé de fait est aujourd’hui assortie de la possibilité, dans le chef de ce conjoint séparé de fait, de réclamer contre l’impôt établi dans le chef de son ex-conjoint, alors qu’un tel droit n’est pas reconnu à d’autres contribuables, non repris au rôle, et sur le patrimoine desquels l’impôt serait par hypothèse recouvré, en vertu de la Loi nouvelle (par exemple, le nouveau propriétaire d’un bien immobilier, le commettant, ou l’entrepreneur, faisant respectivement appel à un entrepreneur ou à un sous-traitant non enregistré, ou encore les auteurs ou complices d’infractions fiscales).

L’on peut en conséquence se demander comment la jurisprudence, pourtant apaisée depuis les récentes modifications législatives en la matière, réagira face aux situations qui lui seront soumises, à dater de l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition.

Thème : Mariage, Cohabitation,Séparation

Auteur : Melanie Daube

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